Publié dans le magazine Books n° 47, octobre 2013. Par Paul Bloom.
L’empathie est à la mode. Des spécialistes en tous genres se donnent le mot : elle est le propre de l’homme, en manquer est pathologique, la cultiver est la voie du salut individuel, collectif, voire planétaire. Redescendons sur terre : l’empathie est souvent bien mauvaise conseillère, en morale comme en politique.
En 2008, Karina Encarnacion, une fillette de 8 ans habitante du Missouri, a écrit à Barack Obama afin de le conseiller sur le choix d’un chien pour ses filles. Elle en a profité pour lui suggérer de faire respecter le tri sélectif des déchets et d’interdire les guerres inutiles. Dans ses remerciements à la gamine, le président lui a donné à son tour ce conseil : « Si tu ne sais pas encore ce que signifie empathie, je te demande d’aller regarder dans le dictionnaire. Je pense que notre monde manque d’empathie, et qu’il reviendra à ta génération de veiller à y remédier. »
Ce n’était pas la première fois que Barack Obama se posait en défenseur de l’empathie. Deux ans plus tôt, lors d’une remise de diplômes à l’université Xavier de Cincinnati, il avait affirmé l’importance de « voir le monde avec les yeux de celui qui ne nous ressemble pas – l’enfant qui a faim, l’ouvrier sidérurgiste qui s’est fait licencier, la famille qui a perdu tout ce qu’elle avait dans un ouragan… ». Et de poursuivre : « Quand on réfléchit de cette façon –...