Dossier

« Se salir les souliers à la boue des rues »

Publié dans le magazine Books n° 65, mai 2015. Par Eamon Duffy.

Il est contre l’avortement, l’ordination des femmes et le mariage pour tous. Mais pas contre l’homosexualité, ni la communion pour les catholiques remariés. Il s’en prend vertement à ceux qui s’enferment dans leurs certitudes et a engagé une guerre ouverte contre l’institution vaticane, monarchique, tape-à-l’œil et corrompue. « Place au doute », dit-il. Et renouons avec la vieille tradition d’une Église qui va vers les pauvres et « toutes les misères ». Y arrivera-t-il ?

Le pape François lors d’une discussion informelle avec des journalistes, dans l’avion qui l’emmène à Rio, le 22 juillet 2013. Il est le premier souverain pontife à souhaiter une Église où l’autorité serait répartie à travers tout l’épiscopat.

Le 22 décembre 2014, le pape François prononçait son traditionnel discours de Noël devant la curie romaine. Cette rencontre annuelle avec les membres de l’administration centrale de l’Église est pour le pape l’occasion de dresser un bilan, à la manière du « discours sur l’État de l’Union ». En 2005, Benoît XVI en avait profité pour se livrer à une importante analyse de « l’herméneutique de la discontinuité et de la rupture », dont il pensait qu’elle avait travesti le sens du concile Vatican II en le présentant comme un événement révolutionnaire ; il y voyait la source de bien des maux de l’Église contemporaine. Tous ceux qui souhaitaient une « réforme de la réforme » se sont emparés avidement de l’expression « herméneutique de la rupture » et s’en sont servi pour remettre en cause certaines des avancées majeures consécutives au concile. Le sujet de l’allocution du pape François en 2014 était, lui, bien plus circonscrit. Après avoir brièvement remercié ses auditeurs du lourd travail accompli durant l’année, le pape s’est lancé dans une douloureuse dissection en quinze points des maux...

ARTICLE ISSU DU N°65