Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014. Par Alaa El Aswany.
Quand Ali Hamama, l’épicier, et son épouse Aïcha se disputaient, personne n’intervenait jamais, sans doute parce que, malgré la violence de leurs altercations et le bruit qu’elles faisaient, leurs querelles offraient quelque chose de festif et de distrayant. C’était comme s’ils présentaient un spectacle à leur public.
Les habitants de la rue Sedd el-Gaouani considéraient que c’était leur devoir moral et religieux de réconcilier deux époux qui se disputaient. Dès que cela arrivait et quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, les voisins accouraient. Ils écoutaient avec soin l’objet du différend puis conseillaient une solution juste en prenant à témoin le Coran et les hadith. Ils ne lâchaient pas les époux avant que tout soit rentré dans l’ordre. La seule exception concernait les disputes entre Ali Hamama, l’épicier, et son épouse, Aïcha. Dans ce cas, personne n’intervenait jamais, sans doute parce que, malgré la violence de leurs altercations et le bruit qu’elles faisaient, elles ne se terminaient jamais comme avec d’autres par des coups ou des tentatives de meurtre ou de suicide. Sans compter tout ce que leurs querelles offraient de festif et de distrayant. Les insultes qu’ils échangeaient étaient outrageantes mais drôles et leurs gestes obscènes avaient quelque chose d’inédit. C’était comme s’ils présentaient un spectacle à leur public. Pour les habitants de la rue, Ali Hamama et sa femme, Aïcha,...