Quand en 1231 mourut la jeune franciscaine Élisabeth de Thuringe, fille du roi de Hongrie et célèbre pénitente, les pèlerins vinrent arracher des lambeaux de ses vêtements, couper des mèches de ses cheveux, des morceaux d’ongle et même ses tétons. Sa tête fut séparée du corps par des responsables de l’Église ; la chair en fut grattée avec un petit couteau et le crâne, surmonté d’une couronne d’or offerte par l’empereur Frédéric II, fut exposé dans un reliquaire. Les miracles se multiplièrent.
« De toutes les religions, le christianisme est la plus motivée par les cadavres », écrit Robert Bartlett dans un livre sur les miracles, les saints et les martyrs*. Alors que Romains et Juifs voyaient dans la dépouille mortelle une source de pollution, les chrétiens songeaient à la résurrection, de l’âme mais aussi du corps. Et les restes du saint incarnaient sa présence physique dans l’au-delà, comme l’eucharistie incarne celle du Christ. Dès la fin de l’Empire romain, quand le christianisme cessa d’être persécuté, des églises furent érigées sur...