Publié dans le magazine Books n° 84, juillet / août 2017. Par Baptiste Touverey.
Les Romains firent souvent preuve d’une étonnante naïveté en matière de collecte de l’information. Ils le payèrent au prix fort. Entretien avec l’historienne de l’Antiquité Rose Mary Sheldon.
Le colonel Rose Mary Sheldon est la grande spécialiste mondiale de l’espionnage et des activités de renseignement dans l’Antiquité. Elle enseigne à l’Institut militaire de Virginie, aux États-Unis.
Peut-on appliquer le concept moderne d’espionnage à la réalité de la Rome antique ?
Oui, je pense. Les espions ont toujours existé, ils sont aussi vieux que l’humanité : nous sommes curieux par nature, nous voulons savoir ce que fait le voisin. Ce comportement éminemment humain a été transposé à l’échelle des États dès que des États se sont formés. Les peuples antiques n’employaient pas exactement le terme d’« espionnage » et ne disposaient évidemment pas des technologies modernes. Ils avaient néanmoins besoin de savoir ce que l’ennemi pensait et préparait. Leur survie en dépendait.
Mais, parmi les peuples antiques, les Romains n’étaient-ils pas une exception ? N’avaient-ils pas la réputation de dédaigner la ruse, les stratagèmes et donc l’espionnage ?
C’est l’image qu’ils ont voulu donner d’eux-mêmes. L’historien Tite-Live, notre principale source pour une grande partie de l’...