Rosa Bonheur au Panthéon
Publié dans le magazine Books n° 122, novembre-décembre. Par Tom Stammers.
Ouvertement homosexuelle en plein second Empire, fascinée par les animaux, elle avait un extraordinaire talent de peintre naturaliste qui lui valut une gloire internationale 1. Réticente à l’égard du mouvement féministe, Rosa Bonheur considérait que les femmes devaient démontrer leurs compétences sans en faire un programme.
Le XXe siècle n’a pas été tendre avec Rosa Bonheur. Dans sa période faste, elle était adulée par les millionnaires de « l’âge d’or » américain 2 et par le public des galeries des deux côtés de l’Atlantique. Pour l’Art Journal en 1879, c’était irréfutable : « Aucune femme au monde ne peint aussi admirablement que Rosa Bonheur. » Lors de la vente de son atelier, en 1900 – un an après sa mort –, les sommes déboursées, même pour des esquisses et des travaux préparatoires, atteignirent un niveau sans précédent : 1 180 880 francs. Pourtant, en quelques décennies, les prix vont s’effondrer, si bien qu’au milieu du siècle ses œuvres se vendent à environ un cinquantième de leur valeur d’origine. En France, elles sont rapidement éclipsées par celle de l’avant-garde, qui s’offusque du genre animalier dans lequel elle s’est spécialisée ; même dans sa ville bien-aimée de Fontainebleau, le taureau de bronze érigé à sa mémoire et fondu par...