Rêver avec Google
Publié le 9 juillet 2015. Par La rédaction de Books.
DeepDream
Avec son expérience DeepDream, Google produit des images dignes des rêves les plus psychédéliques. Ce programme entraîne une intelligence artificielle à faire apparaître des formes dans des images (un exercice complexe en informatique). Tout cela reste cantonné à une machine et Google ne contrôle pas (encore ?) nos rêves. Nous, en revanche, sommes capables de le faire. Diriger ses songes peut même avoir un intérêt thérapeutique, comme l’explique cet article du Spiegel traduit par Books en juin.
Un laboratoire dans l’agglomération de Köppern, non loin de Francfort : une jeune femme est allongée sur un lit rudimentaire, quatre électrodes fixées sur la tête. Elle dort. Ses yeux papillonnent derrière ses paupières, signalant son entrée dans le pays des rêves. Un homme en blouse blanche lui administre une légère décharge électrique : c’est le protocole de l’expérience. Quelques secondes plus tard, la dormeuse est éveillée. Elle doit aussitôt raconter ce qu’elle a vécu.
« Il y avait l’acteur Matthias Schweighöfer, relate-t-elle. J’ai parlé avec lui, ainsi qu’avec deux étudiants Erasmus. Je m’étonnais de la présence de l’acteur et les étudiants m’ont dit : “Mais tu l’as déjà rencontré dans le passé” ; et je me suis dit : “Mince, tu es en train de rêver !” » (1)
Le reste du monde peut bien ne voir dans ces phrases qu’un compte rendu confus ; pour Ursula Voss, psychologue à l’université de Francfort, ce récit traduit une véritable percée, saluée par ses collègues dans le monde entier.
Avec cette faible décharge électrique, notre scientifique a produit chez son cobaye ce qu’on appelle un rêve lucide, un rêve transparent. Quand il est dans cet état, le dormeur prend soudain conscience qu’il rêve. Il peut même à l’occasion, pendant un bref moment, agir sur son déroulement. Voss a pu reproduire le processus chez d’autres sujets.
Se faire le metteur en scène de ses rêves, voilà qui est enthousiasmant. Plusieurs ouvrages expliquent déjà comment apprendre l’art du rêve lucide. À l’université de Berne, des sportifs s’adonnent à cette nouvelle discipline, sous la houlette de scientifiques qui pensent pouvoir profiter du sommeil pour améliorer certains enchaînements de mouvements. Des chercheurs espèrent aussi exploiter la technique pour soigner des personnes souffrant du trouble de stress post-traumatique.
Lorsqu’Ursula Voss a convié des étudiants à venir s’inscrire à son bureau pour un séminaire sur le thème du « rêve lucide », elle a eu la surprise de découvrir une centaine de personnes devant sa porte. « Le sujet fait un tabac », explique-t-elle. Selon elle, « nous vivons l’âge d’or de la recherche sur le rêve ». Elle parie que « dans les années qui viennent, des lacunes scientifiques essentielles vont être comblées. »
Autre résultat des recherches récentes : l’état de rêve et celui de veille se ressemblent beaucoup plus qu’on ne le pensait. Même pendant le sommeil profond, le cerveau reste actif à 80 %. Et à l’état de veille, il fonctionne au moins la moitié du temps sur un mode onirique. Songer à une nouvelle voiture ou à un voyage suffit à le faire basculer dans ce mode – ce qui a clairement une fonction positive. En classe ou au travail, le rêveur est plutôt mal vu. Mais dès les années 1960, le psychologue américain Jerome L. Singer avait défendu la productivité du rêve éveillé : tandis que ses pensées vagabondent, l’individu améliore ses aptitudes sociales et son potentiel créateur. Depuis, d’autres scientifiques se sont ralliés à cette idée. À l’université de Santa Barbara, Jonathan Schooler affirme ainsi que le rêve éveillé stimule la capacité à résoudre les problèmes et à élaborer des stratégies sensées. Or, il en irait de même pour le rêve véritable, pendant le sommeil : pour une nouvelle génération de chercheurs, quand nous rêvons, notre cerveau pense, bricole et prend même des décisions – parfois plus efficacement qu’à l’état de veille.
Depuis longtemps, deux camps irréconciliables se font face : l’un continue à chercher un sens caché à nos rêves, l’autre les considère comme un sous-produit de signaux cérébraux involontaires – une décharge sauvage des neurones, sans aucune signification. Ursula Voss appartient à ce dernier camp. « Les rêves ne veulent rien dire, juge-t-elle. Leur contenu est sans importance, ce qui explique qu’il ne soit pas nécessaire de s’en souvenir. »
« Mère est assise sur un cheval… »
À neuf mille kilomètres de Voss, sur la côte ouest des États-Unis, vit George Domhoff. À 78 ans, ce psychologue qui officie à l’université de Santa Cruz a toujours pensé que les rêves ont un sens. Il a recueilli les siens et épluché la littérature pendant des décennies pour en rassembler une formidable collection. Il a repris et affiné une méthode de catégorisation et de codage développée dans les années 1950, qui permet grâce à l’informatique de constituer une banque de données considérable, dans laquelle le contenu des rêves peut être découpé en séquences (du genre « Mère est assise sur un cheval et fume »…) et même interrogé mot par mot, phrase par phrase, image par image. Et ce, qu’il s’agisse de rêves produits pendant le sommeil paradoxal ou pendant d’autres phases du sommeil.
« Nous n’avons pas la moindre preuve que la théorie de Freud, selon laquelle le rêve est l’accomplissement d’un désir, soit pertinente », affirme Domhoff. Il est malgré tout persuadé que les rêves ne sont pas erratiques. Mais s’ils produisent du sens, ce n’est pas que celui-ci serait enfoui dans un sombre recoin de l’inconscient. Pour Domhoff et son équipe, le contenu des rêves n’est pas si énigmatique qu’on ne le suppose souvent. Il est « aussi cohérent qu’une nouvelle bien construite et aussi équilibré au plan émotionnel que dans la plupart des situations de la vie éveillée », dit-il.
Domhoff en est convaincu : rêver nous aide à maîtriser notre vie. Pour lui, le rêve est le frère talentueux de notre conscience active. Il est à mettre presque sur le même plan que nos pensées éveillées. À l’opposé, Ursula Voss et ses collègues ne voient dans les rêves que des tentatives désespérées du cerveau pour produire un sens à partir de signaux confus émis par le tronc cérébral. Pour eux les images qui naissent ont davantage à voir avec des hallucinations qu’avec un scénario compréhensible. Le seul terrain d’entente entre Domhoff et Voss semble être le rejet de la conception freudienne.
Il s’est écoulé un demi-siècle avant que la suprématie psychanalytique sur l’interprétation des mécanismes à l’œuvre pendant le sommeil soit contestée – sur des bases scientifiques. S’appuyant sur la découverte du sommeil paradoxal par Aserinsky et Kleitman puis l’identification par Jouvet de l’implication du « pont » du tronc cérébral dans la production de cette phase du sommeil, le neuropsychiatre J. Allan Hobson a proposé dans les années 1970 une manière de voir les rêves complètement nouvelle, qui, dans le petit monde des spécialistes tout du moins, a évincé la théorie poussiéreuse de Freud : le spectacle nocturne n’était plus qu’un sous-produit du feu d’artifice qu’allument les cellules nerveuses de façon incontrôlée lorsque la conscience entre dans le sommeil paradoxal. Dans la conception de Hobson, en produisant les images des rêves, les lobes frontaux tentent de construire un sens à partir des signaux chaotiques dont ils sont assaillis.
Tandis qu’on glisse doucement dans la phase de sommeil paradoxal, plusieurs aires du cortex préfrontal sont déconnectées. Ce sont les régions qui contrôlent le raisonnement logique et les prises de décision. À l’inverse, le système limbique, le centre émotionnel du cerveau, est fortement activé. Quand il se trouve dans cet état, le cerveau se révèle un dramaturge onirique un peu brouillon ; des souvenirs provenant d’époques très différentes de notre vie – d’examens par exemple – se combinent pour former une histoire.
Le hasard en est-il l’unique metteur en scène ? Domhoff est persuadé que les rêves accomplissent beaucoup plus de choses qu’on ne le croit. Selon lui, le cerveau peut combiner par exemple des angoisses actuelles d’échec avec le souvenir d’un succès passé. Comme dans un atelier peuplé de génies créatifs, nos impressions et nos souvenirs sont démontés et réassemblés pour former quelque chose de neuf. « Ce n’est pas un hasard si, quand nous nous réveillons, nous avons souvent la solution à un problème – ou si l’on se rappelle soudain : “Ah, mais bien sûr, c’est là que j’ai mis mes clés de voiture” », estime le psychologue américain. Domhoff pense même que le rêve peut jouer un rôle thérapeutique. Il en voit une illustration dans l’un des journaux de rêves les plus impressionnants qui lui soient parvenus. Dans cette chronique, l’Américain « Ed » traite de la mort prématurée de sa femme Mary, décédée d’un cancer. Vingt-deux années durant, de 1980 à 2002, le veuf a noté ses émois nocturnes, liés à la perte de sa compagne. L’un des motifs récurrents de ces rêves est le désir d’Ed de revoir sa femme ; sa maladie revient sans cesse. Mais ressurgissent aussi les expériences quotidiennes et les tensions perturbant leur vie sexuelle.
Le 25 août 1982, Ed note : « Je vois Mary très clairement, comme elle était avant la maladie. Elle est très belle, elle rit, est heureuse. Nous discutons longuement. Je peux la toucher. Je crois que je la serre dans mes bras et lui tiens la main. Nous savons l’un comme l’autre qu’elle est morte. Je lui demande si elle va bien. Elle m’assure qu’elle est heureuse. »
Mais le veuf rapporte aussi souvent des tensions et des rejets. Le 16 février 1995, il remarque : « Je prends Mary dans mes bras, l’embrasse et lui murmure des gentillesses dans l’oreille. Elle me repousse et me demande de cesser. Je suis irrité, vexé et je la lâche. Je lui dis que je ne l’étreindrai plus si elle gâche ces moments. Mary est blessée par mes paroles et me répond que j’ai mal compris ce qu’elle voulait dire. »
Bien qu’Ed continue à rêver de sa femme deux décennies après sa mort, Domhoff interprète ses comptes rendus de rêves comme les signes d’un travail de deuil couronné de succès. Le psychologue a quantifié et analysé les notes du veuf. Les rêves récurrents, dans lesquels Mary est rappelée à la vie, diminuent avec le temps de façon spectaculaire. Sa maladie devient un sujet de plus en plus rare. À la fin, il néglige même de noter immédiatement quelques rêves y ayant trait.
Domhoff se sert du journal d’Ed et de l’évolution qui y est clairement perceptible pour étayer sa thèse selon laquelle les rêves ont une action psychologique (2). « La gamme de sensations et d’impressions réelles qu’on y trouve n’est compatible avec aucune des théories habituelles, ni celle de Freud, ni celle de Hobson », dit-il.
Les études confirment l’impression selon laquelle les rêves sont plutôt ordonnés : en moyenne, selon Domhoff, 60 à 80 % d’entre eux sont très cohérents ; on y trouve des contradictions dans seulement 5 % des cas et l’action qui s’y déploie est anormalement dramatique dans moins de 10 % des cas. Domhoff fait partie de ceux pour qui le rêve est bien plus proche de l’état de veille qu’on ne l’a cru jusqu’ici. Il y voit une preuve dans la découverte récente de ce qu’on appelle le « réseau du mode par défaut ». Quand nous sommes en parfait état de veille mais que nous cerveau n’est pas occupé par une tâche cognitive spécifique, on constate une activité cérébrale intense reliant de multiples régions du cortex préfrontal et du cortex pariétal. Autrement dit, comme dans le rêve, le cerveau carbure alors même qu’on ne fait rien. D’après les spécialistes, cet état lui sert notamment à élaborer des scénarios, à imaginer des situations nouvelles, à fantasmer, à se projeter dans le futur, à pratiquer l’introspection. Le « réseau du mode par défaut » se désengage quand nous nous concentrons sur une tâche spécifique, mais en pratique, il est en activité pendant au moins la moitié du temps éveillé.
Pendant les rêves, il se pourrait que le cerveau travaille sur un mode similaire. Les capacités motrices, sensorielles et visuelles sont désactivées – ce qui reste, c’est l’imagination. « C’est pourquoi il convient de parler d’un réseau imaginatif, qui produirait nos rêves », explique Domhoff. Les rêves ne sont pas que les déchets de notre activité nerveuse, ils sont le produit de certaines régions du cerveau et donc de facultés qui sont aussi mobilisées à l’état de veille. C’est ce qui explique leur dimension créative.
Le psychologue tire aussi argument des recherches sur le développement de l’activité onirique chez l’enfant. Avant 4 ans, les rêves sont très peu élaborés, y compris sur le plan des images visuelles. Les enfants qui deviennent aveugles après leur septième année sont capables dans leurs rêves d’élaborer l’impression visuelle d’une personne – même s’ils ne l’ont jamais vue auparavant. Ceux qui ont perdu la vue avant 4 ans ne possèdent pas cette aptitude. « Quelque part entre la quatrième et la septième année, notre cerveau développe manifestement la faculté de produire des images en rêve », dit Domhoff. Et ce n’est qu’entre 13 et 15 ans, comme le montrent d’autres études, que les rêves atteignent une profondeur dramatique comparable à ceux des adultes. Que le contenu des rêves ait un sens se voit aussi dans la reproduction des clichés de la vie quotidienne, notamment sur la répartition des rôles entre les sexes (les femmes se rappellent généralement mieux leurs rêves que les hommes) : dans les voyages oniriques des femmes, les relations à la famille jouent un rôle bien plus grand que chez les hommes qui, de leur côté, ont tendance à davantage se battre avec leurs congénères. À quoi bon une machinerie si exigeante, qui a besoin de tant de temps pour se mettre en place, si elle n’a pour but que de nous plonger la nuit dans un vain délire ?
Ursula Voss n’est pas d’accord. Selon elle, pendant notre sommeil, nous nous trouvons « au même niveau de conscience que les animaux – qui peuvent ressentir, percevoir et même rêver, mais pas réfléchir sur leur comportement, ni le prévoir ». La plupart des dormeurs en restent, nuit après nuit, à ce niveau limité de conscience. L’exception qui confirme la règle, c’est le rêve lucide, sur lequel elle a concentré ses recherches. Un rêveur sur deux en fait l’expérience au moins une fois au cours de sa vie. À ce moment le dormeur prend soudain et involontairement conscience qu’il est train de rêver. Parfois le moment de lucidité se réduit à cette découverte ; mais il arrive aussi que l’état se prolonge plusieurs secondes, voire davantage. Le rêveur prend alors conscience des dissonances dans la dramaturgie de son rêve : par exemple qu’adulte, il vit toujours dans la maison de son enfance ou qu’il est capable de parler avec les animaux. Et il comprend qu’il rêve. Et, plus étonnant, il peut prendre le contrôle de son rêve, au moins pour un court laps de temps. Dans certaines limites. « J’ai pensé que ce serait agréable de galoper dans un beau paysage, a raconté une femme après son réveil. Mais j’ai eu beaucoup, beaucoup de mal à introduire un cheval dans mon rêve et je n’ai réussi qu’à m’asseoir sur son dos. Le cou et la tête de l’animal n’avaient pas du tout l’air authentiques. » Mais elle avait simultanément l’impression d’être sur le dos du cheval et allongée dans son lit.
Films atrocement réalistes
Âgé aujourd’hui de 82 ans, J. Allan Hobson se passionne aussi pour le rêve lucide. Il a publié récemment plusieurs articles avec Ursula Voss sur le sujet. Il y voit une ouverture expérimentale possible vers une question fondamentale : « S’il existe bel et bien une possibilité d’actionner un centre de contrôle du cerveau, dit-il, ce serait d’une importance révolutionnaire pour notre compréhension de la santé et des maladies psychiques. »
En attendant, le rêve lucide ouvre des perspectives thérapeutiques. Pour apaiser les vétérans de guerre, par exemple. « Ils souffrent de cauchemars qui prennent la forme de films atrocement réalistes », écrit le journaliste scientifique Stefan Klein dans un essai qui vient de paraître. « Des décennies après les faits, ces cauchemars les ramènent encore et encore sur le champ de bataille. Ils entendent le martèlement des machines de guerre, le fracas des bombes. Ils voient des corps ensanglantés, et l’angoisse de la mort ressurgit. » Leur apprendre à générer des rêves lucides peut leur permettre de prendre – au moins partiellement – le contrôle du film qui tourne en boucle dans leur tête. Et « donner à leur film d’horreur personnel une nouvelle tournure, plus positive », écrit Klein.
Certains spécialistes pensent que les personnes qui ont plus souvent que d’autres des rêves lucides possèdent un talent particulier : « Une faculté sensiblement plus élevée de résoudre les problèmes du quotidien », selon le psychologue Patrick Bourke de l’université de Lincoln, au Royaume-Uni. « Ils prennent du recul et remettent en question les apparences. Ils sont capables d’imaginer une alternative qui, à première vue, semble aberrante », explique Bourke. Pour Ursula Voss aussi, les rêveurs lucides possèdent des qualités particulières : « Ils ont manifestement un plus grand contrôle des lobes frontaux de leur cerveau et sont capables, pour une raison qui reste à déterminer, de produire des fréquences de 40 Hz dans le cortex préfrontal pendant le sommeil paradoxal. »
Un festival de créativité
Un collègue de Voss, Ansgar Klimke, met cependant en garde contre une pratique excessive du rêve lucide. « Il y a bien une raison, après tout, si nous ne réussissons pas la plupart du temps à nous souvenir de nos rêves, dit-il. L’hippocampe ne souhaite pas être dérangé par le monde extérieur. » (3) Le rêve lucide intéresse Klimke pour une autre raison : « Si je suis capable de remettre en marche les lobes frontaux de mon cerveau pendant le sommeil, peut-être le suis-je aussi lorsqu’il y a eu des lésions. » Les personnes dont le cortex préfrontal dorsolatéral est endommagé ne sont plus en état d’élaborer des projets. Elles ne distinguent plus ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Elles perdent aussi la faculté de tirer des leçons de leurs erreurs. Bref, elles peuvent faire une croix sur l’essentiel de leur vie sociale. Dans le sommeil paradoxal, au contraire, la désactivation de cette région du cortex a un effet très plaisant. Elle autorise un festival de spontanéité et de créativité, un débordement anarchique d’idées. Le fait que le cortex préfrontal dorsolatéral soit réactivé pendant le rêve lucide ouvre des perspectives.
Ansgar Klimke est un psychiatre versé dans l’analyse de l’inconscient. Il y a peu, il s’est réveillé en riant aux éclats. Dans son rêve, il éprouvait une forte irritation contre son fils : celui-ci, pour une raison obscure, hésitait à lui présenter sa nouvelle copine. Et voilà qu’à une soirée, Klimke repérait ce même fils, accompagné de sa copine, à l’autre bout de la pièce. Pour signaler à son père que sa présence le dérangeait, il murmurait : « Cela ne fait tout de même pas si longtemps que mon père est trépassé. » « Ce qui est étonnant, dit Klimke, c’est l’emploi du mot “trépassé”, que je n’utilise jamais quand je suis réveillé. Mon rêve transformait un événement sérieux en quelque chose de drôle. Et faisait remonter des pensées que, d’ordinaire, je bloque. » Le refoulement, comme le sait tout psychothérapeute, « n’est jamais une bonne chose ».
Cet article est paru le 5 janvier 2015 dans le Spiegel. Il a été traduit par Baptiste Touverey.
Notes
1| Matthias Schweighöfer est un jeune acteur allemand, dont la notoriété n’a pas encore franchi le Rhin.
2| Des critiques font observer que le « travail de deuil » que traduit le journal d’Ed peut être dû à d’autres facteurs que les rêves. La diminution de leurs occurrences et leur atténuation émotionnelle sont en effet peut-être la conséquence, et non la cause, du travail de deuil. Comme souvent dans les analyses des rêves, il est difficile de distinguer entre la poule et l’œuf.
3| L’hippocampe, formation nécessaire au rappel des événements récents, est presque entièrement inactivé pendant le sommeil paradoxal.