Retirer L’Odyssée des programmes
Publié dans le magazine Books n° 116, novembre-décembre 2021. Par Olivier Postel-Vinay.
Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, un puissant mouvement fait recette d’une vertueuse indignation à l’égard des écarts de pensée d’auteurs anciens, s’inscrivant dans une évolution culturelle récente qui tend à excommunier tous ceux qui ne pensent pas dans le droit chemin.

«Il me semble, je ne sais pourquoi, que, sous toutes les formes, l’autorité n’est nullement due aux femmes sur des hommes, sauf l’autorité maternelle et naturelle », écrit Montaigne. Il précise : « Il est dangereux de laisser au jugement des femmes la distribution de notre succession […] car l’appétit déréglé et le goût malade qu’elles ont au temps de leurs grossesses, elles l’ont en tout temps dans l’âme. » Et ailleurs : « Quand je vois qu’elles s’appliquent à la rhétorique, au droit, à la logique et de semblables drogues aussi vaines et aussi inutiles pour leur besoin, je commence à craindre que les hommes qui le leur conseillent ne le fassent pour avoir le moyen de les gouverner sous ce prétexte. » 1 Dans un autre registre, Dostoïevski écrit à propos des juifs : « Qu’en serait-il si ce n’était pas les juifs qui étaient trois millions en Russie, mais les Russes, et s’il y avait quatre-vingts millions de juifs ? Ne les réduiraient-ils pas en esclavage ? Ou pire, […] ne les massacreraient-ils pas, pour les exterminer complè...