Publié dans le magazine Books n° 9, octobre 2009. Par John Golding.
Révélés en 2000 par un expert américain, des textes inédits de Renoir complètent ce que nous savions des sentiments que lui inspirait son époque. Renoir n’était certes pas un penseur. Il avait même du mal à réfléchir de manière consécutive, et ses écrits sont souvent désarmants de gaucherie ou de naïveté. Mais ce fils d’ouvrier, qui a lui-même commencé sa carrière comme ouvrier décorateur, ressentait dans sa chair certaines évolutions de son temps, auxquelles il réagissait avec colère ou mépris. Qu’il s’agisse des idées socialistes, de la transformation de Paris par Haussmann, des nouveaux monuments ou des rénovations de Viollet-le-Duc. Après l’appui qu’il apporta au mouvement impressionniste, il finit par le renier, au profit d’une glorification de l’art classique et d’une valorisation de la fonction « décorative » de la peinture.
Dites « impressionnisme », et deux noms vous viennent aussitôt à l’esprit : Monet, Renoir. De tous les impressionnistes, c’est Renoir le plus séduisant, lui qui a peint bon nombre de toiles parmi les plus populaires et les plus mémorables. Pour n’en citer que trois :
La Loge, de 1874,
Le Bal du Moulin de la Galette, deux ans plus tard, et sans doute la plus célèbre de toutes,
Le Déjeuner des canotiers, en 1880-1881. Ces tableaux hantent et nourrissent l’imagination comme le font rarement les œuvres de Monet prises isolément. Cela tient en grande partie au fait que Renoir était avant tout un peintre de personnages, et que les images de la forme humaine, seule ou accompagnée, sont plus faciles à mémoriser que les paysages qui, dans le cas d’un Monet – porté de plus en plus à peindre des séries de toiles sur le même sujet –, ont tendance à se fondre et à se confondre.
La méthode sérielle de Monet était incompatible avec les modes de pensée de Renoir, dont les écrits suggèrent qu’il avait du mal à réfléchir de maniè...