Publié dans le magazine Books n° 44, juin 2013. Par Gilles Bataillon.
Au-delà de l’événement fondateur que fut la conquête, les Sud-Américains ont un génie pour le lien social et une relation au pouvoir toute particulière.
En quoi les Latino-Américains présentent-ils, par-delà leur diversité, des habitus communs et spécifiques ? À quel moment se sont-ils mis en place, comment en faire l’histoire et en donner une description plausible ?
Premier constat : la conquête fut un événement fondateur. Elle marquerait l’impossibilité d’une réconciliation et soulignerait en retour l’urgence d’un sens de la conciliation face au chaos. Deuxième constat, « le génie des Latino-Américains pour le lien social ». Si la coexistence passe à certains moments par la plus grande violence, ils parviennent tout de même à des accords implicites. Ces inter-actions constituent des codes de fait, même si une tension récurrente subsiste entre des principes d’organisation hiérarchiques et des revendications égalitaires. Troisième constat, les élites latino-américaines, et plus encore les appareils étatiques, n’ont qu’un « pouvoir indicatif », qui procède par démonstration de force et théâtralisation. Enfin, le travail est loin d’occuper une place centrale dans les représentations collectives comme dans les processus de constitution et de définition des individus.
Ces constats amènent le sociologue franco-péruvien Danilo Martucelli à dresser différents « profils » de l’individu...