Publié dans le magazine Books n° 58, octobre 2014. Par Jonathan Rosen.
Leurs vols éclipsaient la lumière du soleil, leurs aires de nidification s’étendaient sur des milliers de kilomètres carrés et leurs fientes recouvraient le sol sur 30 centimètres… Au milieu du xixe siècle, la population de pigeons migrateurs, espèce endémique à l’Amérique du Nord, se comptait en milliards d’individus. Cinquante ans plus tard, l’oiseau avait disparu. En cause, un écheveau de facteurs industriels, humains, et écologiques qu’il faut comprendre alors que se profile une nouvelle vague d’extinctions.
Imaginez : vous vous réveillez demain matin pour découvrir que le banal pigeon biset –
Columba livia de son nom scientifique, aussi surnommé familièrement le « rat volant » – a disparu. Et pas seulement du rebord de votre fenêtre, mais aussi de la place Saint-Marc, de Trafalgar Square, de l’arche monumentale de la Porte de l’Inde à Bombay, ainsi que de chaque parc, trottoir, fil téléphonique ou toiture. Déploreriez-vous la perte d’une créature familière, ou arracheriez-vous allègrement vos pics anti-pigeons ? Tout dépendrait peut-être de la cause de cette extinction. Si les oiseaux avaient été victimes d’un enlèvement massif, ou d’une grippe fatale aux seuls pigeons, leur disparition ne susciterait sans doute pas la moindre culpabilité ; mais s’ils avaient été exterminés par la chasse, vous vous sentiriez peut-être tenus de ressusciter l’espèce par manipulation génétique.
C’est l’expérience de pensée à laquelle je me suis livré en lisant « Fleuve de plumes dans le ciel », l’étude que Joel Greenberg consacre à un oiseau bel et bien disparu après avoir été quasiment omniprésent, et qui fait l’...