Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011. Par Thomas Morlang.
En janvier-février 1911, les troupes allemandes matent avec une violence inouïe une rébellion indigène surune île perdue de l’empire, dans le Pacifique Sud. Ponape est mise à feu et à sang, au sens propre. Et, pour la première fois de son histoire, l’Allemagne déporte une population entière.
Le 26 décembre 1910, au beau milieu des festivités de Noël, un télégramme souleva un vif émoi à Berlin : « 18 octobre, Boeder, Brauckmann, Hollborn, Häfner et 5 matelots indigènes assassinés sur l’île de Dschokadsch par des Sokehs. Sokehs depuis en rébellion. Jusqu’ici, autres populations de Ponape calmes et majoritairement loyales. Rébellion écrasée, puis sévèrement châtiée, pour préserver notre autorité à Ponape. » Ponape ? Même les employés les plus chevronnés de l’Office impérial aux colonies doivent réfléchir pour savoir où cela se trouve.
Aujourd’hui appelée Pohnpei, c’est, avec ses 347 kilomètres carrés, la plus grande île des Carolines. Les navigateurs espagnols furent les premiers Européens à atteindre au XVIe siècle cet archipel du Pacifique Sud pour en prendre possession au nom de leur roi. L’Espagne renonça cependant à y exercer sa souveraineté : à la différence des Mariannes voisines, les Carolines ne revêtaient pas d’importance stratégique ou économique particulière. Les Allemands arrivèrent dans un second temps. Au milieu du XIXe siècle, des compagnies de commerce hanséatiques, notamment la firme hambourgeoise Johann...