Pourquoi les papas pouponnent
Publié en octobre 2024. Par Books.
Les chimpanzés mâles ne sont pas connus pour cultiver leurs sentiments paternels. En ont-ils, d’ailleurs ? Peu probable, car ils ne distinguent pas leurs propres enfants de ceux des autres. Il n’en va pas de même chez l’humaine espèce. Avec certes des hauts et des bas au fil de son histoire, elle se caractérise par un indéniable investissement paternel, qui semble aujourd’hui atteindre un sommet. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que nous soyons seuls au monde ; chez diverses espèces animales, y compris chez les poissons, nous voyons les mâles s’occuper de leurs petits. Dans la gent mammifère, la proportion est de 5 %, nous apprend l’anthropologue Sarah Blaffer Hrdy dans son dernier ouvrage. Chez les singes même, il existe des espèces coopératives. Non forcément que les pères concentrent leurs attentions sur leurs propres enfants, mais ils contribuent à la nourriture et à la sécurité des enfants du groupe.
Ce qui fait notre spécificité, rappelle Sarah Hrdy, c’est qu’au fil des centaines de milliers d’années de notre ascendance, nous avons fabriqué les enfants qui de toutes les espèces animales mettent le plus de temps à acquérir l’autonomie. Il est peu à peu devenu impossible pour une mère de subvenir seule à leurs besoins. Les pères, mais aussi les autres adultes du groupe, ont été réquisitionnés.
Les progrès de l’endocrinologie apportent un éclairage supplémentaire : les pères qui pouponnent voient grimper leur production d’hormones maternantes, prolactine et ocytocine, et dégringoler leur testostérone. Idem pour les pères homosexuels.
Sarah Hrdy pense que la révolution néolithique (l’invention de l’agriculture) a fait régresser l’investissement paternel en vigueur chez les chasseurs-cueilleurs. Les transformations de la vie sociale que nous connaissons depuis des décennies sont en train de faire remonter le niveau d’investissement paternel au niveau des sociétés pré-néolithiques, peut-être même un cran au-dessus.