Pourquoi il faut écouter les Cassandre
Publié le 10 juillet 2020. Par Amandine Meunier.
Aujourd’hui est qualifié de Cassandre quelqu’un qui s’inquiète trop, un fataliste qui voit tout en noir. On dénonce ces « prophètes de malheur », oubliant que Cassandre avait raison. Dans le mythe grec, même si personne ne l’écoute, Cassandre annonce ce qui adviendra : la chute de Troie. Nous devrions écouter les vraies Cassandre et agir en conséquence, rappellent R.P. Eddy et Richard Clarke, anciens conseillers de la sécurité nationale américaine reconvertis dans le renseignement privé.
Prédire les catastrophes
Dans leur livre Warnings, ils soulignent que nombre de catastrophes majeures, de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima à l’attaque sur Pearl Harbor, avaient été prédites par des gens compétents dont les avertissements ont été ignorés. Ils utilisent ces précédents pour construire un indicateur permettant de distinguer les prédictions des vraies Cassandre des fausses alertes des semeurs de chaos. « Le coefficient Cassandre a quatre composantes : (1) l’avertissement, la menace ou le risque en question, (2) le décideur ou le public qui devra agir, (3) l’indicateur ou le Cassandre potentiel, et (4) les critiques qui dénigrent ou rejettent cette mise en garde. »
Chacune est susceptible d’être affectée par de multiples facteurs, de « la réticence scientifique » (la réserve face à l’absence de données factuelles) au « décalage de complexité » (l’incapacité des décideurs à s’en remettre à des spécialistes dont ils ne peuvent pas juger les compétences). Ils notent ainsi que les alertes du sismologue Yukinobu Okamura ont été, entre autres, victimes du « syndrome d’occurrence initiale ». Selon eux, c’est justement parce que ce spécialiste prédisait un événement qui ne s’était pas produit depuis au moins 1000 ans, un tsunami de grande ampleur sur la côte de Fukushima, que l’agence japonaise de sécurité du nucléaire aurait vraiment dû le prendre au sérieux.
Connaître les bons analystes
Eddy et Clarke donnent la parole à certains analystes des risques qu’ils estiment fiables. Parmi eux, le virologue Robert G. Webster et la journaliste scientifique Laurie Garrett, qui déjà en 2017, préconisaient de se prémunir contre une pandémie mondiale. Leur conseil : consolider le système public de santé. Mais « personne ne veut entendre ça, regrette Garrett. Ce n’est pas sexy. »
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