Pour en finir avec l’essentialisme
Publié dans le magazine Books n° 37, novembre 2012. Par Steven Rose.
Depuis Aristote, l’idée que la différence entre les sexes est « naturelle » a droit de cité, y compris dans le monde scientifique. Aujourd’hui encore, des recherches sur le cerveau menées en dépit du bon sens alimentent ce préjugé et contribuent à légitimer les inégalités.
Il existe entre les sexes, selon Aristote, une différence essentielle : le cerveau des hommes est plus gros, les femmes sont plus incohérentes, émotives et compatissantes, au moins en partie parce qu’elles ne produisent pas de sperme, d’où les divergences de comportement et de place dans l’ordre social. Sur le plan symbolique, c’est ici que commence la longue et souvent lamentable histoire du recours à la biologie pour définir la nature de la femme et lui attribuer un statut inférieur.
Pour les naturalistes, l’origine des différences sexuelles résidait dans les organes génitaux de l’homme et le cycle menstruel des femmes. Les testicules étaient source de masculinité, comme l’attestait la nature efféminée des eunuques ; ingérer des extraits de testicules d’animaux est depuis longtemps censé renforcer la puissance de l’homme, son tempérament belliqueux et sa domination intellectuelle. À la fin du XIXe siècle, le physiologiste Charles-Édouard Brown-Séquard s’...