Les petites annonces, miroir de la société
Publié le 24 juillet 2020. Par Amandine Meunier.
La société norvégienne Adevinta, propriétaire du site français leboncoin.fr a acheté cette semaine une partie des activités de son concurrent américain eBay, devenant ainsi le leader mondial des petites annonces en ligne. Offres d’emploi ou de vente de biens, recherche d’un objet perdu ou de l’âme sœur, ces avis de quelques lignes se sont développés en Europe en même temps que la presse au début du XVIIe siècle. De l’autre côté de l’Atlantique, le premier texte de ce type paraît en avril 1704 dans The Boston New-Letter. Il est écrit par l’éditeur du journal pour inciter ses lecteurs à y envoyer… des annonces « contre une somme modique », précise-t-il.
Miroir d’une époque
Cette première sera immédiatement suivie d’effet, relate la documentaliste Sara Bader dans son histoire des petites annonces en Amérique. The Boston News-Letter publie ainsi dans son édition suivante : « Perdu deux enclumes en fer ». Comment fait-on pour perdre deux enclumes ? C’est tout le charme des petites annonces : à la fois déroutantes et familières. Elles conservent certaines constantes à travers les siècles : on cherche toujours des clés perdues dans les transports, une femme qui aime les moustachus, des locataires respectueux… Mais ces avis offrent aussi mille détails propres à une époque : quelles étaient la forme, la couleur, la taille, la valeur des objets usuels, du carnet à la boîte de tabac à priser, que contenaient les sacoches des soldats de la guerre de Sécession…
Des annonces mystérieuses
Les annonces suivent évidemment les vicissitudes politiques. Sara Bader repère celle-ci parue en 1804 : « Arrêtez le fuyard. 50 dollars de récompense. Un esclave mulâtre s’est enfui de chez son propriétaire vivant près de Nashville, le 25 juin… 10 dollars supplémentaires pour chaque centaine de coups de fouet qu’on lui donnera, dans la limite de 300. » Son auteur n’est autre qu’Andrew Jackson, futur président des États-Unis. Washington en 1761 et Jefferson en 1769 en ont publié des similaires. Après la guerre de Sécession, ce sont les anciens esclaves qui s’emparent des petites annonces publiant de déchirants avis pour retrouver leurs familles éparpillées à travers les États-Unis.
D’autres annonces restent, elles, bien mystérieuses : pourquoi cet employeur new-yorkais cherchait-il pour ses bureaux un garçon mesurant précisément 1m40 ? Et quelle culpabilité peut bien ronger quelqu’un au point de faire paraître quatre ans après les faits : « Trouvé, quatre dollars, en descendant de voiture à Paterson, été 1845 ».
À lire aussi dans Books : Annonces roses et moins roses, avril 2011.