Orwell derrière le Rideau de fer
Gallimard publie cette semaine une nouvelle traduction de 1984 de George Orwell. L’écrivain britannique accordait beaucoup d’importance à la diffusion de ses œuvres à l’étranger. Il a ainsi activement promu Animal Farm, qui détruit le mythe d’une société socialiste en Union soviétique, de l’autre côté du Rideau de fer. La journaliste Masha Karp, auteur d’une biographie russe d’Orwell, souligne ainsi qu’il a répondu favorablement à une lettre de l’érudit russe Gleb Strove, écrite deux semaines seulement après la publication originale du conte à l’été 1945. Ce-dernier souhaite le traduire pour les Russes « qui ne peuvent lire la vérité sur leur pays qu’à l’étranger ».
La première traduction d’Animal Farm est cependant polonaise et paraît dès 1946. Un organisme lié au gouvernement polonais en exil à Londres parraine l’entreprise confiée à Teresa Jelenska. Orwell propose de l’aider si elle a des doutes sur le sens d’un mot ou d’une phrase, même s’il ne connaît pas un mot de polonais. Jelenska met par ailleurs l’écrivain britannique en contact avec un traducteur ukrainien. Ce dernier demande une préface à Orwell, qui bien que débordé écrit un texte original. Cette analyse du conte, la plus détaillée à ce jour, figure dans l’édition ukrainienne qui paraît en Bavière en 1947. Orwell refuse de toucher les royalties pour ces traductions réalisées sous la houlette de groupes de réfugiés. Il a parfois des doutes sur les motivations de ses contacts, comme avec l’éditeur russe Possey. Celui-ci s’avère lié aux « blancs » et on découvrira dans les années 1980 que sa traduction omet les passages les plus anti-religieux de l’œuvre.
En à peine cinq ans, Animal Farm a été traduit en polonais, en tchèque, en ukrainien et en russe. Et dans la décennie suivante, il paraît aussi en lituanien, hongrois, en letton et en serbe. Il trouve une large audience parmi les réfugiés d’Europe de l’Est et des copies passent clandestinement le Rideau de fer.
A lire dans Books : La ferme des animaux version créole, janvier/février 2017