Publié dans le magazine Books n° 48, novembre 2013. Par Katrina Forrester.
Les groupes écologistes ou pacifistes sont sous haute surveillance. De la police, certes, mais aussi des officines de renseignement privées. Mené pour le compte de British Aerospace et de McDonald’s, entre autres, leur travail de renseignement passe souvent par l’infiltration pure et simple des organisations militantes. On se croirait parfois dans un roman de John Le Carré, où l’on peine à distinguer les espions des espionnés.
Il y a cinq ans, j’ai contribué à démasquer un « espion privé ». Le militantisme sur les enjeux du climat était alors à son comble. À l’été précédent [en 2007], le second « Camp Climat (1) » avait planté les tentes pendant une semaine en bordure de l’aéroport d’Heathrow, et de nombreux groupes écologistes signalaient un afflux d’adhérents. Ken Tobias était du nombre. Il participa à sa première réunion « Plane Stupid (2) » dans un pub de Russell Square en décembre 2007. Issu de la haute, passionné, keffieh palestinien autour du cou, Ken sortait tout juste d’Oxford et était particulièrement zélé. Il ne ratait jamais une réunion et suggérait constamment d’en organiser davantage. À ses yeux, les défenseurs de l’environnement devaient prendre des initiatives plus risquées.
Tout cela était fort bienvenu mais certaines choses chez lui nous chiffonnaient. Les militants adorent les réunions, mais ils ne débarquent jamais en avance, comme le faisait Ken, ni ne demandent à en organiser davantage. Nous avons commencé à nous méfier. Comme par hasard, la police avait été avertie de la seule action de protestation dont il ait eu connaissance : les flics étaient dé...