« On ne peut pas toujours travailler. »
Publié le 28 juillet 2016. Par Ernest Legouvé.

« Trois choses sont nécessaires à l’homme pour que sa vie soit complète : une profession, des affections, et des goûts. La profession répond à ses besoins d’activité et d’intelligence ; les affections, à ses besoins de cœur ; les goûts, à ses besoins de délassement. On ne peut pas toujours travailler, on ne peut pas toujours penser ; le cœur même a ses intermittences. Les goûts remplissent les vides. C’est l’intermède, la distraction, le plaisir, parfois même le soutien. Les goûts relèvent tour à tour du corps et de l’esprit. L’ouvrier qui a le goût de la lecture, se repose, en lisant, de ses fatigues corporelles ; l’artiste qui a le goût des exercices physiques, se repose de son art en faisant travailler ses membres. Les goûts ont mille objets différents ; ils s’appellent successivement : la chasse, l’équitation, la natation, l’escrime, la pêche, le jeu, l’amour des fleurs, l’amour des arts, voire même l’amour des travaux manuels. Victor Hugo était tapissier ; cela le délassait d’être poète. Tour à tour, il ciselait une Orientale, ou agrémentait un baldaquin. On prétend même, qu’à la mort de sa fille, incapable de travail, rebelle à toutes consolations, il ne trouva qu’un seul moyen de tromper quelque peu sa douleur, ce fut de remeubler son appartement. Saint-Marc Girardin était menuisier. Quand il était fatigué d’avoir travaillé dans sa bibliothèque, il travaillait à sa bibliothèque même ; il posait des rayons, il rabotait des planches ; le plaisir de la lecture épuisé, il s’occupait encore de ses livres, il les logeait. »