On a castré les romanciers américains

À la grande époque de la libération sexuelle aux États-Unis, les Roth, Mailer, Updike et autres Bellow savaient mêler vigueur littéraire et vigueur tout court, offusquant à la fois les bigots et les féministes. Aujourd’hui à bout de souffle, ces vieux lions sont reniés par une jeune garde politiquement correcte, dont les romans célèbrent les petits câlins et les amours aseptisées.

Pour une culture littéraire qui s’effraie d’être au bord de l’anéantissement, nous sommes affreusement cavaliers avec les Grands Romanciers Masculins du XXe siècle ! Il est désormais de bon ton de dénoncer ces auteurs et, plus encore, de railler les scènes de sexe de leurs livres. Même les jeunes écrivains qui semblent, par l’ampleur de leurs ambitions, des héritiers tout désignés, renient l’agressive virilité de ces prédécesseurs. Après avoir lu un passage sexuel dans le dernier roman de Philip Roth, Le Rabaissement, une femme de ma connaissance a jeté le livre dans une poubelle sur un quai de métro. Pas par fureur féministe : nous avons si bien assimilé la critique portée par Kate Millett (1) la première dans La Politique du mâle que « nous savons à quoi nous en tenir », comme dit l’une de mes étudiantes. Non, cette dame a jeté le livre au motif que la scène était répugnante, vieillotte, superflue. Mais je continue de me demander pourquoi elle avait tant besoin de mettre ce roman au rebut ? Aurait-il conservé un peu...
LE LIVRE
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Le Rabaissement de On a castré les romanciers américains, Gallimard

ARTICLE ISSU DU N°28

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