Publié dans le magazine Books n° 48, novembre 2013.
C’est le despotisme de la présidence Morsi, et non son idéologie religieuse, que les Égyptiens ont rejeté massivement l’été dernier. Faute d’avoir su devenir comme en Turquie la simple expression d’un conservatisme culturel, l’islamisme est désormais partout sur la défensive. Victime collatérale de cet échec : le mythe de l’« internationale islamiste ».
Olivier Roy est professeur à l’Institut universitaire européen de Florence. Il a écrit de nombreux livres sur l’islam et l’islamisme
L’échec du président Morsi et du gouvernement des Frères musulmans, en juillet dernier, doit-il s’analyser en termes de rejet de l’islamisme par l’opinion égyptienne ?
Non, les salafistes, très opposés aux Frères, étaient demandeurs d’encore plus de charia, ce qui ne les a pas empêchés de s’allier aux « libéraux ». Il y a bien un secteur libéral et séculier, qui refuse tout surcroît d’islamisation de la société et qui est violemment opposé aux Frères, mais le clivage n’oppose pas les « laïcs » aux « partisans de la charia », il oppose les Frères d’un côté, très isolés, et une alliance hétéroclite qui va des libéraux aux salafistes. C’est un clivage politique, pas religieux. Quant au général Sissi, il n’est ni libéral ni laïc. Il n’hésitera pas à convoquer l’islam pour légitimer son pouvoir, et les libéraux seront les...