Publié dans le magazine Books n° 41, mars 2013. Par Charles McGrath.
Il a commencé sa biographie de l’ancien président américain Lyndon B. Johnson en 1976. Un tiers de siècle plus tard, il en est à rédiger le cinquième volume. Il a ralenti son rythme de production au point de consacrer plus de temps à raconter les aventures de son héros que celui-ci n’en a passé à les vivre. Il écrit ses brouillons à la main. Quand il est satisfait, il les tape sur une vieille machine à écrire. Un labeur obstiné au service d’une passion unique : l’étude du pouvoir.
Le pouvoir, notamment le pouvoir politique : rares sont ceux qui en savent là-dessus autant que Robert Caro, lui qui n’en a jamais détenu une miette. Caro ne s’est jamais présenté à la moindre élection – et il y aurait de toute façon été battu. C’est quelqu’un de timide, à la voix douce, aux façons et à l’accent new-yorkais vieux jeu (il prononce « Toïme » et pas « Taïme », « Foïne » et pas « Faïne » (1)), si mal à l’aise que parler de lui le gêne à l’en faire un peu loucher. L’idée du pouvoir, et des gens qui le détiennent, le révulse autant qu’elle le fascine. Il a pourtant employé à peu près toute sa carrière à étudier le pouvoir et l’usage qu’on peut en faire – d’abord en se penchant sur le cas de Robert Moses, le grand urbaniste et rénovateur de New York (2), puis sur celui de Lyndon Johnson, dont il a écrit la biographie pendant presque quarante années consécutives. Caro peut vous raconter dans tous les détails comment Moses a impitoyablement taillé dans un quartier de la middle class pour...