« Notre Titanic »
Publié en décembre 2024. Par Books.
En 1863 s’est produit au Chili l'une des tragédies les plus choquantes du XIXe siècle : la mort de plus de 2 000 femmes prises dans l’incendie de l’église de la Compagnie de Jésus au centre de Santiago, la capitale. Cette catastrophe a ému jusqu’au New York Times, qui a dépêché deux reporters alors que les États-Unis étaient en pleine guerre civile. La juridiction ecclésiastique protégeant les prêtres de toute enquête, l’affaire fut classée comme un simple accident. Les familles des victimes n’ont jamais obtenu réparation : il ne s’agissait que de femmes, souligne la romancière Francisca Solar, qui s’est emparée du sujet.
C’était le 8 décembre. Les Filles de Marie, une confrérie de la haute société chilienne, célébraient l’Immaculée Conception. Près de 10 000 bougies et lampes à paraffine illuminaient l’intérieur de l’église, ornée d’une multitude de guirlandes en papier. Quand le feu a pris, les femmes se sont rapidement retrouvées bloquées par les étroites portes de sortie, qui ne s’ouvraient que de l’intérieur. Elles étaient aussi embarrassées par l’ampleur de leurs vêtements, certaines portant une crinoline « cage », alors à la mode. Pour couronner le tout, le prêtre, après avoir fui avec le nonce, a refermé derrière lui la porte de la sacristie. Sans doute pour que les femmes ne mettent pas les pieds dans ce lieu sacré, commente Francisca Solar.
Le titre du roman évoque la boîte aux lettres métallique où ces femmes déposaient leurs confessions faites à la Vierge : leurs péchés intimes mais aussi les sévices qu’elles subissaient par certains prêtres « au nom de Dieu ». La boîte ayant été préservée, les autorités ecclésiastiques et étatiques se la sont disputée. Elle fut finalement remise au maire de Santiago, mais son contenu n’a jamais été dévoilé.
Plus la romancière enquêtait, plus elle s’étonnait que cette tragédie, « notre Titanic », soit si peu connue dans son pays et n’ait que très peu sollicité l’attention des chercheurs. « Nous devrions avoir 35 romans basés sur cet événement, mais tout le monde s’en moque », confie-t-elle au journal chilien La Tercera. La fosse commune contenant les corps se trouve devant le cimetière général de Santiago. Seules sept femmes ont été identifiées.
Les événements racontés commencent un mois avant la tragédie et suivent la famille Aguirre Vanderbilt, d’origine chilienne et américaine. Fatima Aguirre, protagoniste principale du roman, est l’une des trois filles de la famille, qui revient de France avec son mari – qu’elle n’aime pas – et son frère Beltran. De retour dans la capitale, elle rejoint le groupe religieux sous la tutelle des Jésuites, ceux-là même qui célébraient la messe au moment de l’incendie. Fatima était chargée de la boîte aux lettres en raison de circonstances particulières. C’est ce détail qui sera à l’origine de nombreuses actions du roman et, bien sûr, influencera son dénouement.