Nos enfants sur mesure
Publié dans le magazine Books n° 116, novembre-décembre 2021. Par Olivier Postel-Vinay.
Déjà pratiquée avec succès pour traiter des maladies et modifier la descendance d’animaux, la technologie d’édition de l’ADN sera sans doute bientôt applicable à l’embryon humain. Devra-t-on l’interdire ou l’autoriser, et à quelles conditions ?
Peut-on arrêter le progrès technique ? Pour l’heure, il n’y a guère d’autre réponse que négative. La question va se poser, inéluctablement, lorsque la méthode d’« édition » des gènes, dite CRISPR-Cas9, pour laquelle le Nobel de chimie a été attribué à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, sera jugée applicable à l’embryon humain. Comme le rappelle la journaliste Elizabeth Kolbert dans The New Yorker, cette méthode a déjà permis de créer des fourmis privées d’odorat, des chiens beagles qui manifestent une vigueur digne de Superman, des cochons résistant à la peste porcine, des macaques souffrant de troubles du sommeil, des grains de café sans caféine, des saumons infertiles, des souris qui n’engraissent pas et des bactéries dans lesquelles on a codé une série de photographies montrant un cheval en mouvement. On le sait, un biologiste chinois a écopé de trois ans de prison pour avoir modifié, en 2018, un gène spécifique chez deux embryons humains (des jumelles) afin de les rendre résistants au virus du sida.
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