Misanthropie environnementale
Publié en décembre 2024. Par Books.
On a beaucoup annoncé la « sixième extinction » des espèces animales, due à l’homme. Paul R. Ehrlich, qui avait naguère annoncé à tort, dans sa Bombe P, une famine mondiale pour la décennie 1970, est resté un catastrophiste convaincu. À 92 ans, il signe avec d’autres auteurs un livre confirmant la venue de cette sixième extinction. Ils décrivent une « mutilation de l’arbre de la vie ». Non sans de bonnes raisons, écrit dans le journal scientifique Nature Julia P. G. Jones, professeure de sciences de la conservation à l’Université de Bangor au Pays de Galles. La pression exercée par les activités humaines sur les animaux sauvages est considérable. « Le lecteur qui n’est pas familier de la science de l’extinction apprendra beaucoup de ce livre, écrit-elle. Nombre de concepts de la biologie de la conservation sont explorés avec compétence et les auteurs prennent un nouvel angle en soulignant le rôle de l’extinction de populations, étape vers l’extinction d’une espèce. »
Julia Jones exprime cependant de fortes réserves. Les auteurs passent sous silence ce qu’elle appelle le « paradoxe environnemental » : que le bien-être des hommes a augmenté « à mesure de notre destruction d’écosystèmes naturels ». Ils invoquent une « menace existentielle » pour notre espèce, où est la menace si les espèces menacées sont du genre de Melomys rubicola, un rongeur d’une île inhabitée au large de l’Australie ? « Avons-nous vraiment besoin de dire que des extinctions de populations animales menacent l’existence de l’humanité pour soutenir qu’il faut s’en préoccuper ? », écrit-elle. Les auteurs critiquent le programme d’infrastructures de la « nouvelle route de la soie » engagée par la Chine, mais « ne se demandent pas pourquoi cette initiative est approuvée par nombre de responsables de pays à faible revenu, qui recherchent désespérément de nouveaux moyens de transport et la sécurité énergétique ». Enfin les auteurs, selon elle, évacuent la question de l’évaluation des politiques de conservation menées depuis des décennies. Or elles ont enregistré de francs succès, parfois spectaculaires, comme la renaissance de l’antilope saïga et du faucon de l’île Maurice. Julia Jones regrette la tonalité de « misanthropie environnementale » qui selon elle imprègne cet ouvrage. Elle considère qu’un pessimisme systématique dessert les efforts des conservationnistes et défend l’efficacité d’une attitude optimiste.