Publié dans le magazine Books n° 89, mai/juin 2018. Par Pankaj Mishra.
Dans la société extrêmement hiérarchisée qu’est l’Inde, les dalits sont relégués au bas de l’échelle. Traditionnellement chargés des besognes les plus ingrates, détestés et méprisés par les castes supérieures, ceux qu’on appelait les « intouchables » commencent à relever la tête.
Beaucoup de logements indiens sont encore dotés de simples latrines, qui consistent en un grand trou dans le sol. Les excréments sont ramassés la nuit par des « vidangeurs manuels » qui, écrit Sujatha Gidla, « évacuent la merde humaine » avec « pour seuls outils un petit balai et un seau en fer-blanc ». La plupart sont des femmes (1). Autrefois, elles « remplissaient d’excréments leurs paniers en feuilles de palmier et les transportaient sur la tête sur une dizaine de kilomètres jusqu’à un endroit en périphérie de la ville où elles étaient autorisées à les déverser ». Les paniers ont aujourd’hui cédé la place un peu partout à des seaux et des charrettes. Mais le nettoyage des toilettes, des fosses septiques, des caniveaux et des égouts revient toujours aux dalits, qu’on appelait autrefois les intouchables.
Un Indien sur six est dalit, mais, pendant des années, je n’ai ni vu ni imaginé la vie qu’ils pouvaient avoir, même si chaque semaine ou presque des entrefilets dans les journaux faisaient état des meurtres, des viols ou des tortures dont ils étaient victimes. Si l’un de mes camarades de classe, dans les é...