Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014. Par Suketu Mehta.
À quelques mois de la Coupe du monde, la bataille fait rage pour la « pacification » des favelas du Brésil. Dans ce pays où plus de 40 000 meurtres sont commis chaque année, la police dispute désormais le pouvoir aux narcos et aux milices paramilitaires qui depuis des années se partageaient ces territoires. Avec une brutalité qui n’a rien à leur envier.
Marina, mon amie brésilienne, et moi étions passés prendre à son hôtel près de Paulista, la plus prestigieuse avenue de São Paulo, une vieille connaissance new-yorkaise de passage dans la ville. Il était 19 h 30, en ce vendredi soir animé d’octobre 2012. Nous avons marché jusqu’à un taxi stationné devant l’hôtel. Je me suis assis à l’avant pour laisser les deux femmes bavarder à l’arrière. Marina m’a demandé de googliser la carte du restaurant où nous allions. C’est ce que j’étais en train de faire quand j’ai vu un adolescent courir vers la voiture et faire de grands gestes à travers ma vitre ouverte. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un mendiant. Puis j’ai vu le pistolet qui faisait la navette entre ma tête et le téléphone portable.
« Donne-lui le téléphone », m’a lancé Marina depuis la banquette arrière.
J’ai donné le téléphone. Il n’est pas parti.
« Dinheiro, dinheiro ! »
Je ne voulais pas lui filer mon portefeuille. Le garçon hurlait des obscénités. « Dinheiro, dinheiro ! »
Le corps de l’adolescent s’est soudain écarté, quand le...