Marie, revue et corrigée
Publié dans le magazine Books n° 18, décembre 2010 - janvier 2011. Par Hilary Mantel.
Elle est plus présente dans le Coran que dans les Évangiles. Son culte est venu d’Orient. Femme au foyer, madone ou pietà, sa figure a varié au fil des époques, nourrissant des querelles religieuses, l’antisémitisme et aujourd’hui une réaction d’agacement. N’aurait-elle pas, finalement, surtout servi d’alibi à la domination masculine ?
Dans mon enfance catholique, elle était partout, perchée sur les saillies et dans les niches, telle une caméra de vidéosurveillance, avec sa bouche peinte et ses yeux bleu gendarme. À entendre sa litanie, elle était Miroir de la Justice, Cause de notre joie, Vase spirituel, Rose mystique, Tour de David, Maison d’or, Arche de l’Alliance, Porte du ciel et Étoile du matin. Somme toute, pas une femme que j’aimais. Elle était l’improbabilité au cœur de la vie spirituelle ; un paradoxe, féconde bien que non fécondée, au-dessus de la nature mais aussi contre nature. Elle aurait pu être une seconde mère bienveillante, toujours de votre côté, mais elle semblait de mèche avec l’autorité ; aucun de vos faits et gestes ne lui échappait, et elle en avait une piètre idée.
À cause de sa pureté, il fallait surveiller vos plus mauvaises pensées ; chacun de vos petits péchés était, vous assurait-on, une épée plantée dans son cœur. Elle était l’exemple qu’on vous pressait de suivre, tout en sachant que vous échoueriez. Vous aurez beau prier, vous...