Menaces climatiques, crise de la biodiversité, inégalités persistantes ou croissantes : face à ces défis qui mettent à mal l’avenir de la planète, les modes de gouvernance et la pensée économique classique, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour suggérer, préconiser ou exiger un changement de cap.
La profonde dépression économique dans laquelle le monde sera plongé à la suite de l’actuelle pandémie va encore aiguiser ce débat. Nous présentons ici les arguments des uns et des autres. L’éventail est large. À une extrémité, le camp des « décroissants » purs et durs : nous allons à coup sûr à la catastrophe si nous n’entreprenons pas d’inverser la courbe de la croissance. Cela signifie se serrer la ceinture pour desserrer l’étau environnemental et l’emprise du capitalisme mondialisé. À l’autre extrémité, les panglossiens : tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Entre ces deux extrêmes, un consensus se fait jour, notamment en Europe, en faveur d’un oxymore, la « croissance verte ». Nous accordons une place particulière au point de vue d’un esprit original, Vaclav Smil, un écologue canadien d’origine tchèque, spécialiste mondial de l’analyse des transitions énergétiques passées et à venir. Il vient de publier une somme consacrée à la croissance sous toutes ses formes, des algues bleues à Internet en passant par les cathédrales.
Dans ce dossier :
Pour aller plus loin
Outre les ouvrages cités dans les articles de ce dossier, on peut lire, dans l’ordre chronologique de parution :
EN FRANÇAIS
- La Convivialité, d’Ivan Illich (Seuil, 1973). Où est évoquée la « menace d’une apocalypse technocratique ».
- Le Bluff technologique, de Jacques Ellul (Hachette, 1988). « Il est vain de déblatérer contre le capitalisme : ce n’est pas lui qui crée ce monde, c’est la machine. »
- Histoire économique et sociale de la Ve République (2). Années de rêve, années de crise (1970-1981), d’André Gauron (La Découverte, 1988). « À défaut du bonheur, que certains économistes veulent déjà quantifier, la survie de l’humanité est-elle compatible avec la poursuite indéfinie de la croissance industrielle ? »
- Voici le temps du monde fini, d’Albert Jacquard (Seuil, « Points », 1993). « Désormais la solidarité la plus nécessaire est celle de l’ensemble des habitants de la Terre. »
- Objectif décroissance. Vers une société harmonieuse, de Michel Bernard et al. (Parangon, 2003). « Le terme “développement durable” doit désormais rejoindre sa place, c’est-à-dire le rayon des tartes à la crème. »
- Décroissance ou barbarie, de Paul Ariès (Golias, 2005). « Les objecteurs de croissance invitent à cesser de nier ce que nous savons mais que notre imaginaire oblige à refouler. »
- Les Nouveaux Indicateurs de richesse, de Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice (3e édition mise à jour, La Découverte, 2007). « La meilleure façon de donner une idée de la contribution potentielle des indicateurs alternatifs au débat public est de fournir des exemples où ils apparaissent à la fois comme des compléments et comme des alternatives crédibles au PIB et à la croissance. »
- Demain, la décroissance ! Penser l’écologie jusqu’au bout, d’Alain de Benoist (E-dite, 2007). « À la base de l’écologisme, on trouve une critique fondamentale de l’idée selon laquelle l’économie serait la clé de notre destin. »
- Le Choc de la décroissance, de Vincent Cheynet (Seuil, 2008). « L’intérêt du mot décroissance est avant tout d’être un mot obus, un mot bélier. »
- Croissance infinie. La grande illusion, de Jean Aubin, préface d’Albert Jacquard (La Maison d’édition, 2010). « Le développement sans fin est le propre des organismes cancéreux. »
- Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, de Jean Gadrey (Les Petits Matins/Alternatives économiques, 2010, nouvelle édition augmentée, 2015). « Une société post-croissance est une nécessité. »
- Penser la décroissance, d’Agnès Sinaï et al. (Presses de Sciences Po, 2013). « Une société moins matérialiste sera plus heureuse. »
- Vers une société post-croissance, d’Isabelle Cassiers, Kevin Maréchal, Dominique Méda et al. (éditions de l’Aube, 2018). « Cesser de considérer la croissance économique comme une fin en soi .»
- La Culture de la croissance. Les origines de l’économie moderne, de Joel Mokyr, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat (Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 2020). « Une bonne partie de ce qui s’est passé dans les économies de la planète lors des trois derniers siècles a résulté de ce à quoi les gens ont cru. »
EN ANGLAIS
- Beyond Growth: The Economics of Sustainable Development, de Herman Daly (Beacon Press, 1996). « La dimension physique de l’économie au regard de l’écosystème n’est pas reconnue par l’économie néoclassique. »
- The Great Escape: Health, Wealth, and the Origins of Inequality, d’Angus Deaton (Princeton University Press, 2013). « L’histoire de la façon dont l’humanité s’est libérée de la misère et de la vie brève. »
- Towards a Political Economy of Degrowth, d’Ekaterina Chertkovskaya, Alexander Paulsson et Stefania Barca (Rowman & Littlefield, 2019). « Pour imaginer une économie de décroissance, le premier pas est de rejeter les idées hégémoniques de ce qu’est “l’économie”. »