Publié dans le magazine Books n° 34, juillet-août 2012. Par Julian Jackson.
C’est un pays où l’on ne peut qu’être heureux, où l’on trouve les meilleurs médecins, où règnent la culture, l’harmonie et le respect. Ce pays nommé URSS n’a jamais existé, sinon dans l’imagination du couple uni que formaient le secrétaire général du Parti communiste français et l’impitoyable Jeannette Vermeersch. Un couple dont l’amour était aussi absolu que sa foi dans le communisme.
Rares sont les lecteurs britanniques, j’imagine, qui connaissent le nom de l’actuel dirigeant du Parti communiste français. Les choses ont bien changé depuis l’époque pas si lointaine où le PCF comptait parmi les principales forces politiques du pays (à son apogée, en 1946, il recueillait 28 % des voix aux élections). Tout le monde, alors, connaissait le nom de son secrétaire général : Maurice Thorez était, avec Palmiro Togliatti, son homologue italien, une star de la scène communiste mondiale. Écrire l’histoire du Parti, à l’époque, relevait de la gageure, tant il s’abritait derrière secrets et mensonges : faute d’accès aux archives, les seuls ou presque à publier sur le sujet étaient d’anciens militants déçus, qui utilisaient leur science des mécanismes internes de l’organisation, leurs propres investigations et leur intuition. C’est ainsi que procéda Philippe Robrieux, dont la biographie, parue en 1975, portait une charge implacable contre le mythe Thorez, révélant notamment que son père naturel n’était pas un mineur, contrairement à ce qu’affirmait la légende (comme si cela avait la moindre importance : la classe sociale ne se transmet certainement pas par les gè...