Ludmila Oulitskaïa : « Les Russes regrettent l’empire perdu »

L’homo sovieticus n’est pas mort. Nostalgiques de la grandeur passée, convaincus que leur pays est le seul porteur de vérité, les Russes s’abandonnent à la main ferme de Vladimir Poutine. Faute d’avoir su lire Soljenitsyne. Dans ce pays où la parole des intellectuels est noyée sous le bruit télévisé, une grande romancière avoue n’avoir plus foi que dans la grandeur des auteurs classiques et la lutte pour la dignité.

Ludmila Oulitskaïa est l’une des plus grandes romancières et nouvellistes russes actuelles, admirée dans son pays comme à l’étranger. Devenue célèbre en 1992 avec la publication de son premier roman, Sonietchka (Gallimard), elle est aujourd’hui traduite dans de nombreuses langues. Elle a reçu en janvier 2014 le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes.
 
Vous avez récemment affirmé que, pour comprendre la Russie, il valait mieux lire Pouchkine que Soljenitsyne. En quoi Pouchkine est-il d’actualité ?
L’été dernier, j’ai lu La Fille du capitaine à mon petit-fils. Et j’ai de nouveau ressenti à quel point cette nouvelle était un chef-d’œuvre absolu. On n’a jamais rien écrit de meilleur en russe. Ce livre garde toute son importance aujourd’hui car il traite, au fond, de la dignité humaine. Or le sens de l’honneur et la dignité ont toujours été piétinés en Russie. Pouchkine le percevait très profondément. C’était particulièrement douloureux pour lui car son honneur était constamment...
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ARTICLE ISSU DU N°61

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