Ludmila Oulitskaïa : « Les Russes regrettent l’empire perdu »
Publié dans le magazine Books n° 61, janvier 2015. Par Galia Ackerman.
L’homo sovieticus n’est pas mort. Nostalgiques de la grandeur passée, convaincus que leur pays est le seul porteur de vérité, les Russes s’abandonnent à la main ferme de Vladimir Poutine. Faute d’avoir su lire Soljenitsyne. Dans ce pays où la parole des intellectuels est noyée sous le bruit télévisé, une grande romancière avoue n’avoir plus foi que dans la grandeur des auteurs classiques et la lutte pour la dignité.
Vous avez récemment affirmé que, pour comprendre la Russie, il valait mieux lire Pouchkine que Soljenitsyne. En quoi Pouchkine est-il d’actualité ?
L’été dernier, j’ai lu La Fille du capitaine à mon petit-fils. Et j’ai de nouveau ressenti à quel point cette nouvelle était un chef-d’œuvre absolu. On n’a jamais rien écrit de meilleur en russe. Ce livre garde toute son importance aujourd’hui car il traite, au fond, de la dignité humaine. Or le sens de l’honneur et la dignité ont toujours été piétinés en Russie. Pouchkine le percevait très profondément. C’était particulièrement douloureux pour lui car son honneur était constamment...