On écrit pour des lecteurs, n’est-ce pas ? Mais comment dénicher cette denrée dont la rareté afflige même un Philip Roth ? « Il y a 4 000 lecteurs aux États-Unis ; et une fois que le livre leur a été vendu ainsi qu’aux bibliothèques, c’est fini », se lamente le romancier américain. En effet, 80 % des livres publiés se vendent à moins de 100 exemplaires, et seuls 2 % atteignent les 5 000. Pour la littérature générale, la moyenne des ventes (hors best-sellers) plafonne entre 250 et 500 exemplaires. Voilà le grand défi de l’écriture, après l’acte d’écrire lui-même.
Au xixe siècle au moins, les romanciers disposaient encore d’un vaste réservoir de lecteurs : les femmes de province, dont « la grande occupation, se félicitait Stendhal, est de lire des romans […] car les hommes ont pris le goût de la chasse et de l’agriculture, et leurs pauvres moitiés ne pouvant faire des romans se consolent en les lisant » *. Hélas, les temps ont bien changé. Non seulement les femmes écrivent des romans, mais, comme le constate Alexandre Vialatte, « elles ne lisent plus, elles qui étaient naguère les principales clientes du...