Publié dans le magazine Books n° 72, janvier 2016. Par Tim Flannery.
Les éléphants pleurent leurs morts, certains loups élèvent la progéniture de leurs rivaux et les orques observent des tabous alimentaires. Voilà qui relativise le caractère exceptionnel de l’esprit humain. Loin de trôner dans un isolement superbe, l’homme n’est que le membre le plus brillant d’un club restreint de mammifères très intelligents, partageant de nombreux traits sophistiqués.
Les dauphins en liberté des Bahamas avaient fini par très bien connaître la chercheuse Denise Herzing et son équipe. Plusieurs décennies durant, au début de chaque campagne d’observation de quatre mois, ils leur réservaient un accueil chaleureux : « De vraies retrouvailles entre amis », raconte Herzing. Une année, cependant, les animaux agirent différemment. Ils ne s’approchaient pas du navire des chercheurs, refusant même les invitations à nager à la proue de celui-ci. Lorsque le capitaine plongea pour évaluer la situation, les dauphins restèrent à l’écart. Au même moment, à bord, on découvrit qu’un des membres de l’expédition était mort alors qu’il faisait la sieste sur sa couchette. Alors qu’on faisait route vers le port, « les dauphins vinrent se placer à côté de notre bateau, raconta Herzing. Contrairement à leur habitude, ils ne se laissaient pas porter par la lame d’étrave. Ils nous encadraient, à une quinzaine de mètres de distance, à la manière d’une escorte aquatique » accompagnant avec ordre la marche du navire.
Les questions soulevées par ce curieux épisode sont au cœur de l’essai stupéfiant de Carl Safina, « Au-delà des mots »....