Publié dans le magazine Books n° 89, mai/juin 2018. Par Laura Kipnis.
L’affaire Weinstein et la dénonciation du harcèlement sexuel qui a suivi marquent un authentique temps révolutionnaire. C’est le pouvoir aristocratique masculin qui tombe. Reste que les féministes ont tort de mettre dans le même sac toutes les formes de malfaisance sexuelle.
On a d’abord vu d’imposants potentats de l’industrie du cinéma et des médias mordre la poussière. Ont suivi une cohorte de despotes et seigneurs de moindre envergure, employés dans le même secteur. Et puis le phénomène s’est étendu au point d’atteindre la moitié des hommes de Hollywood et des professions plus négligeables, comme la politique. Le vacarme fut entretenu par des experts pontifiants (ceux qui n’avaient pas encore chuté eux-mêmes) s’efforçant d’expliquer ce qui s’était produit, puis de l’expliquer à grands frais, puis d’ajouter encore de nouvelles explications. Car le paysage n’a cessé de changer : bientôt se retrouvèrent à leur tour sur le gril des gens pas si puissants (des journalistes indépendants et des romanciers expérimentaux ont figuré sur une liste qui a circulé sur Internet), et on ne sut plus très bien de quoi l’on parlait : de « virilité toxique » ou de panique masculine ?
Mais, au début du moins, l’histoire paraissait claire. Il s’avère que dans les plus hauts gratte-ciel et les hôtels les plus luxueux des économies les...