L’Europe a fait l’Angleterre
Publié le 22 juin 2016. Par La rédaction de Books.
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Carte Générale de l'Angleterre, 1747
De l’autre côté de la Manche, les historiens se sont engagés dans le débat sur le Brexit. Ils se livrent une bataille acharnée pour savoir si la Grande-Bretagne est une nation à part. Les deux camps s’accordent à dire que, depuis au moins 500 ans, les îles Britanniques ressemblent à une presqu’île. Mais vivent-elles dans un état de semi-détachement par rapport au continent ou de semi-attachement ? Historien à l’université de Cambridge, Brendan Simms opte pour la voie moyenne dans son livre Britain’s Europe : la Grande-Bretagne est exceptionnelle, mais indissociable de l’Europe. Pour lui, il n’existe pas d’histoire insulaire.
Au-delà du fait que le Royaume-Uni est lié au continent par des structures socio-politiques comme la chrétienté, l’universitaire considère que l’Europe est l’unique facteur d’importance dans l’évolution de la nation britannique. « L’Europe nous a faits, écrit-il. Sans Europe, pas d’Angleterre, pas de Royaume-Uni, pas d’Empire britannique. » Tout commence avec les invasions continentales, des Romains aux Vikings, ceux-ci ayant poussé les Anglo-Saxons à former un royaume anglais uni. C’est encore la menace de la France de Louis XIV qui conduit les Anglais à s’associer avec leurs voisins écossais, alors qu’entre-temps les destinées des peuples des deux côtés de la Manche ont été plus que jamais liées durant le Moyen Age jusqu’à la fin de la Guerre de 100 ans. Même devenu Empire, le continent reste décisif pour les Britanniques. En 1759, année de glorieuses victoires du Canada à l’Inde, le pays avait plus de troupes en Europe que nulle part ailleurs. En 1741, le futur Premier ministre Henry Pelham avait déjà déclaré que l’Europe centrale était un rempart qui, s’il était abattu, laisserait le pays sans défense. « Quand vous pensez aux défenses de l’Angleterre, ajoutera près de deux siècles plus tard Stanley Baldwin, vous ne pensez plus aux falaises crayeuses de Douvres, vous pensez au Rhin. » Tant et si bien que les Britanniques ont toujours veillé à ce qu’aucun pays ne domine le continent auquel les relie un cordon ombilical jamais coupé, et ce souci fut au cœur des guerres napoléoniennes comme des deux guerres mondiales, aux yeux de Simms.