Les vies du plus grand camp de réfugiés du monde
Publié le 12 mai 2016. Par La rédaction de Books.
Le gouvernement kenyan menace de fermer tous les camps de réfugiés du pays, dont le plus grand site du monde : Dadaab. Quelque 500 000 personnes vivent dans ce coin de désert, attendant, construisant, espérant un sort meilleur. Dans City of Thorns, Ben Rawlence raconte le destin de neuf d’entre elles. Pendant cinq ans, cet ancien chercheur de Human Rights Watch s’est rendu régulièrement à Dadaab pour les rencontrer : Isha, qui espère que les écoles du camp assureront un avenir à ses enfants ; Kheyro, célibataire qui refuse de sortir du site si elle n’est pas accompagnée d’un homme, craignant d’être massacrée ; Guled, qui reste terrifié à l’idée d’être de nouveau enlevé par les islamistes somaliens d’Al-Shabbaab… A travers leur parcours, Rawlence décrit l’émergence de ce qu’il considère comme le Manhattan ou le Londres du XXIe siècle, un lieu de tous les possibles. Car même si le Kenya prend les réfugiés tour à tour comme otages (pour recevoir des fonds) ou boucs émissaires, même si l’aide internationale est fluctuante, que la police rackette et viole en toute impunité, Dadaab est devenu en vingt-cinq ans un lieu qui compte pour les Somaliens, Sud-Soudanais ou Ethiopiens en fuite.
Il n’existe aucune infrastructure à proximité. Toute la nourriture est convoyée par camion ou avion par les Nations unies ou les ONG. Mais les réfugiés se sont organisés, parfois contre les institutions apparentes. En l’absence de tout respect du droit, les lynchages servent à maintenir un semblant d’ordre. En l’absence d’emploi, le marché noir est florissant : tout se vend, de la ration alimentaire de l’ONU à la carte SIM. Avec l’aide internationale, les habitants ont aussi créé des écoles, des hôpitaux, une station de radio et même une ligue de foot. Car Dadaab n’est pas hors du monde. On y rêve en regardant les comptes Facebook de ceux qui ont réussi à s’installer en Occident, ou en s’inventant son propre profil avec des photos de voiture et de maison. Au fil de ses portraits, Ben Rawlence rappelle que les réfugiés sont d’abord des individus comme les autres, avec leurs difficultés très personnelles : une jeune femme s’injecte des contraceptifs pour ne pas avoir d’enfant ici, un couple se dispute à cause de l’obsession du mari pour le football.