Les Roméo et Juliette perses
Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011.
Une histoire d’amour impossible dans l’Iran préislamique.
« Dans le monde musulman, l’amour entre un homme et une femme n’a jamais été exprimé avec plus de force », juge Hans-Martin Gauger dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung. L’objet de son enthousiasme s’intitule « Khosro et Shirin », du nom d’un couple d’amoureux aussi célèbres en Iran que peuvent l’être en Occident Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult. Ce chef-d’œuvre du grand poète persan Nizami, indisponible en français mais dont la très belle traduction allemande vient d’être rééditée, a été écrit à la fin du XIIe siècle. Il se fonde sur une histoire réelle, antérieure à la conquête musulmane de l’Iran : l’amour du dernier grand roi sassanide Khosro II pour la belle Shirin.
« Les deux amants sont décrits par Nizami dans les termes les plus flatteurs, mais à la différence de Shirin, plus sage que lui, Khosro n’est pas parfait : si beau et fort soit-il, il manque de volonté », explique Gauger. Avant d’obtenir la main de la femme qu’il aime, il doit passer par toute une série d’épreuves et d’apprentissages : la reconquête de son royaume contre un général rebelle, le mariage avec une autre femme, Maryam, fille de l’empereur de Byzance, et la rivalité avec le génial ingénieur Farhâd, qui s’est lui aussi épris de Shirin. Au bout de toutes ces péripéties, le rêve d’une vie commune semble enfin devoir se réaliser : las ! la nuit de noces s’achève à peine que Khosro est assassiné par le fils qu’il a eu de son premier mariage et, désespérée, Shirin se suicide…
Petite particularité qui semble avoir beaucoup amusé le critique allemand : « Il est sans arrêt question de vin dans le livre de Nizami, sans que jamais on n’en blâme la consommation. » L’explication est simple : « Les protagonistes de l’histoire ne sont pas encore des musulmans ! » De fait, Khosro était zoroastrien et Shirin, chrétienne.