Publié dans le magazine Books n° 39, janvier 2013. Par Oleg Grabar.
Interdite, la représentation du Prophète dans l’islam ? Ni par le Coran ni par la charia, en tout cas. Depuis le XIIIe siècle, la figure de Mahomet ponctue l’histoire de l’art islamique. Certes, les portraits de l’envoyé d’Allah restent relativement rares, en particulier dans le monde arabe, mais la réticence qui s’exprime ainsi a moins à voir avec la parole de Dieu qu’avec l’effroi tout culturel d’une foi très tôt confrontée à des civilisations repues d’images.
La représentation de Mahomet est-elle autorisée dans l’islam ? Produire ou ne pas produire d’images du Prophète : telle est la question à laquelle je vais m’efforcer de répondre. Une question devenue brûlante, comme l’atteste régulièrement la lecture les journaux. Mais pour y répondre, et même simplement comprendre les raisons de la formuler, il est nécessaire de poser quelques prolégomènes.
La manière dont les médias ont favorisé l’expression publique de l’incompétence et de l’ignorance la plus crasse – pour ne rien dire des préjugés – a pu être abondamment déplorée ces derniers temps. Et le mal n’a fait qu’empirer après le 11 Septembre, pour deux raisons. La première, c’est la diffusion d’un climat de peur, fondé sur la perception d’une menace omniprésente émanant d’ennemis mal définis, qui a conduit l’Occident – en particulier les États-Unis – à adopter d’innombrables mesures de sécurité, certaines raisonnables et utiles, d’autres ridicules et avilissantes. Cette peur, qui a pénétré et perverti les institutions comme les individus, est entrée en collision...