Publié dans le magazine Books n° 16, octobre 2010. Par Francis Robinson.
Troisième des quatre Grands Moghols, l’empereur Chah Djahan cultivait avec un égal raffinement le goût des arts et l’amour de son épouse, Mumtaz. Deux passions réunies dans son mausolée, le Taj Mahal. Mais ce souverain flamboyant était aussi le parfait représentant d’une dynastie rongée par les intrigues. Les miniatures réunies dans l’Album de Chah Djahan témoignent de la puissance de cet empire musulman sans rival.
À son apogée, l’Empire moghol était le plus puissant des empires musulmans dits « de la poudre à canon », avec ses 100 millions d’habitants contre 22 millions dans l’Empire ottoman et 6,5 millions dans l’Empire perse safavide (1). Seule la Chine des Ming le surpassait. De 1526 à 1707 – à l’exception d’un bref intermède –, les Moghols dominèrent la majeure partie de l’Inde.
La richesse faisait de cette cour un mécène sans équivalent en Europe ou dans le monde, attirant les artistes arabes, perses ou turcs les plus doués et ambitieux, voire un animal étrange, l’Européen. Les hommes et les femmes à la tête de cet empire – on vit deux femmes contrôler le sceau royal depuis le harem et d’autres participer au gouvernement – brillaient à la fois par leurs talents et par leurs personnalités.
Chah Djahan, fils de l’empereur Djahangir et de l’une de ses épouses, hindoue, vécut de 1592 à 1666 et régna de 1628 à 1658. Petit-fils préféré d’Akbar, le premier des Grands Moghols, il avait veillé ce dernier sur son lit de mort. Jeune, c’était un soldat émérite, et son père lui décerna le titre de Chah...