Publié dans le magazine Books n° 49, décembre 2013. Par Donald Rayfield.
La forteresse rouge n’a pas toujours été le siège du pouvoir que l’on sait. Plusieurs fois détruite et reconstruite, elle fut tour à tour lieu de refuge, marché, monastère et résidence aristocratique. Autant de mues qui en font un étonnant patchwork architectural.
Rouge pour l’essentiel, forteresse bruissant d’innombrables secrets et cœur de la Russie, le Kremlin est par sa fonction, son architecture et son histoire un lieu unique au monde. En lisant le livre que lui consacre Catherine Merridale, on se demande pourquoi rien de ce genre n’a jamais été publié. Cela tient probablement en partie au culte du secret : il touche jusqu’aux archéologues s’efforçant de dégager les innombrables strates enfouies sous le gigantesque complexe que nous connaissons. Il est particulièrement difficile d’écrire au sujet d’une institution qui, au fil de ses cinq siècles d’existence, a revêtu tant de formes, connu un tel cycle de destructions-renaissances, et rempli des fonctions religieuses, politiques ou symboliques si différentes.
Merridale est parvenue à en ôter le vernis. Elle est capable de faire parler les cerbères de ses zones interdites (jamais simple pour un étranger) et de négocier les autorisations d’accès avec les archivistes russes (moins accueillants qu’un pitbull), pénétrant ainsi les rouages internes du Kremlin. En même temps, son attachement au site lui permet de donner vie aux données archéologiques...