Publié dans le magazine Books n° 7, juillet-août 2009. Par Caleb Crain.
Les enquêtes les plus sérieuses l’attestent : le goût de la lecture se perd, surtout chez les jeunes. Le phénomène remonte à l’irruption de la télévision, il se poursuit à l’ère d’Internet. Aujourd’hui s’accentue sans doute un retour vers l’oralité, identifié dès les années 1980 par le linguiste Walter Ong. On pourrait également assister à un retour vers la situation précédant l’ère de la scolarisation de masse, la lecture devenant l’apanage d’une « classe de lecteurs » distincte du reste de la société. Un autre risque est de renforcer le confort des idées reçues. Pour nourrir le débat, la neurobiologiste Maryanne Wolf explique ce que la science peut nous dire sur ce que c’est que lire, depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte.
En 1937, 29 % des adultes américains déclaraient à l’Institut Gallup être en train de lire un livre ; en 1955, ils n’étaient plus que 17 %. Les sondeurs commencèrent alors à formuler la question avec plus de latitude. En 1978, une enquête indiquait ainsi que 55 % des personnes interrogées avaient lu un livre au cours des six mois précédents. La question fut formulée de manière plus vague encore en 1998 et 2002, quand les résultats de la General Social Survey [« Enquête sociale générale »] établirent que 70 % environ des Américains avaient lu un roman, une nouvelle, un poème ou une pièce de théâtre au cours de l’année écoulée. Enfin, en août 2007, 73 % des personnes interrogées à l’occasion d’un nouveau sondage dirent avoir lu un livre, de quelque genre que ce soit, y compris les ouvrages consultés dans un but scolaire ou professionnel, au cours de l’année. Si l’on ne prête attention aux détails, voilà qui pouvait laisser supposer une progression de la lecture.
Pareille conclusion n’est pas permise à la lumière des chiffres du Census Bureau [« Bureau du recensement »] et du National Endowment...