Publié dans le magazine Books n° 13, mai-juin 2010.
Amateurs d’alcool, de rixes et de blagues sadiques, les jolly fellows (« joyeux drilles ») ont façonné l’identité américaine. Pendant une bonne partie du XIXe siècle, ils ont incarné le goût du risque et une certaine forme de camaraderie virile, parfois homosexuelle, souvent xénophobe. Mais le triomphe du capitalisme et de l’individualisme signa leur arrêt de mort.
Un chauffeur de Pennsylvanie se réveille un matin pour découvrir son chariot juché au sommet d’une grange. En Virginie, le panneau « Gâteaux et bières à vendre » se retrouve accroché à la porte d’un pasteur…
La plupart des gens aiment rire de bonnes blagues. Les historiens, eux, ont pour mission de les comprendre. C’est le défi que relève Richard Stott dans Jolly Fellows. Male Milieus in Nineteenth-Century America. Les farces citées ici sont un simple échantillon des plaisanteries imaginées par un certain type d’Américain (bagarreur, vantard, soulard, et joueur) qu’on trouvait, c’est selon, dans les tavernes de village ou dans les rues des villes, au XIXe siècle. Ces hommes se faisaient souvent appeler « joyeux drilles », et Stott en dresse une sorte de portrait clinique. Ils seraient, dit-il, les ancêtres méconnus du premier Mickey Mouse, bien plus sadique que la gentille souris d’aujourd’hui, du personnage de joueur stoïque incarné par Humphrey Bogart dans Casablanca, ou encore de l’émission Jackass (1).
La réputation du joyeux drille est moralement ambiguë. Et, plus on avance dans le livre de Stott, plus les farces se font...