Publié dans le magazine Books n° 100, septembre 2019. Par Akira Mizubayashi.
En orchestrant le passage à une « nouvelle ère » toujours placée sous le signe du culte impérial, le gouvernement Abe tourne le dos à la modernité et aux enseignements des Lumières. Les grands médias et les réseaux sociaux font chorus : priorité aux divertissements assurés par le marché.
© The Yomiuri Shimbun/AFP
En ce 1er mai 2019, à Osaka, des Japonais arborent des tee-shirts où s’inscrit le nom de la nouvelle ère : Reiwa (« commandement » et « paix »).
Le 1
er mai 2019, les Japonais sont passés de l’ère Heisei à l’ère Reiwa. L’empereur Naruhito a accédé au trône, remplaçant son père, Akihito, qui avait manifesté dans une vidéo du 8 août 2016 son désir de prendre sa retraite, estimant qu’en raison de son grand âge il ne pouvait plus assumer convenablement ses fonctions d’empereur. Il faut rappeler qu’Akihito avait multiplié les actes publics en effectuant nombre de voyages, notamment dans le but de réconforter les sinistrés des calamités naturelles ou de se recueillir devant les mémoriaux dédiés aux victimes de la guerre du Pacifique. La multiplication des « actes publics d’empereur » (qu’il ne faut pas confondre avec les « actes d’État d’empereur ») pose un sérieux problème constitutionnel, mais tel n’est pas mon propos dans les lignes qui suivent.
Je voudrais plutôt évoquer l’absence quasi totale de réflexion critique de la part des « citoyens » aussi bien que des médias sur le passage de Heisei à Reiwa. Un nouvel empereur a ouvert une nouvelle ère. Tout s’est passé dans une euphorie...