Les grandes heures de la magie blanche
Publié en juin 2024. Par Books.
Fut un temps – entre les XIVe et XVIIe siècles – où la magie blanche était un véritable service de proximité. En Angleterre, par exemple, on faisait appel aux talents des « roués » pour résoudre toutes sortes de problèmes du quotidien, en tête desquels ceux d’amour. Les préconisations peuvent surprendre. Pour se venger d’un mari infidèle en le rendant impuissant, il fallait jeter un cadenas dans un puits et sa clé dans un autre. Pour séduire un homme, le mieux était que la femme amoureuse lui fasse manger un poisson étouffé dans son propre vagin ou bien un pain pétri avec ses propres fesses, éventuellement assaisonné de sang menstruel. Efficace ? Allez savoir. En tout cas, les « personnes rouées » avaient, tout comme les voyantes modernes et autres consultants, de bonnes connaissances de l’âme humaine, judicieusement utilisées pour identifier des coupables, guérir des addictions, soigner des troubles mentaux, découvrir des cachettes... Les prestataires de magie connaissaient bien des trucs dans bien des domaines, du pratique au médical et au psychologique. Ils communiquaient à leurs clients « un sentiment de pouvoir face aux situations hors de leur contrôle », explique la médiéviste britannique Tabitha Stanmore. La fourniture des prestations magiques au quotidien était un business très apprécié, très prospère et parfaitement légal, car à l’époque seule la magie noire, celle qui visait à nuire à autrui avec l’assistance du démon, était réprimée. Ce n’est qu’avec la Réforme qu’on a commencé à chasser les sorcières, souvent avec acharnement. L’époque était en proie à un grand tumulte social et religieux, et les différents cultes se livraient « à une véritable surenchère de pureté dans un marché hautement concurrentiel », écrit Laura Miller dans Slate. Il fallait impérativement faire place nette pour garantir à ces praticiens une exclusivité face à une autre corporation de magiciens faisant eux aussi appel au surnaturel : les prêtres.