Publié dans le magazine Books n° 23, juin 2011. Par Wendy Doniger.
Cœur spirituel de l’hindouisme, le yoga a été dévoyé par ses adeptes occidentaux. Ainsi va la rhétorique puriste des militants. Mais de quoi parle-t-on ? L’histoire du yoga est celle d’un palimpseste inlassablement réécrit, dont les versions contemporaines doivent autant à l’Inde classique qu’à la culture physique britannique, la naturopathie, et certains mouvements chrétiens.
Certains hindous américains ont récemment émis l’idée qu’il leur fallait « récupérer le yoga ». Pour la Hindu American Foundation, en effet, « les textes fondateurs de l’hindouisme ont les premiers exprimé la philosophie du yoga, qui reste au cœur de l’enseignement hindou » ; le yoga est l’héritage d’une « sagesse indienne » éternelle. D’autres Américains abondent en ce sens : les hindous doivent reprendre le yoga… aux nombreux chrétiens qui l’ont adopté. Le pasteur Albert Mohler Jr., président du Southern Baptist Theological Seminary, recommande ainsi aux fidèles qui ont quelque égard pour leur âme (chrétienne) de renoncer au yoga. Cette querelle me rappelle ce sketch des Monty Python où philosophes grecs et philosophes allemands s’affrontent au cours d’un match de football, qui se termine sur Marx prétendant que le buteur grec était hors-jeu. Même en déclarant hors-jeu les baptistes du Sud (ou du moins le pasteur Albert Mohler), il n’est pas interdit de se demander pourquoi tant d’hindous américains se soucient de savoir si le yoga est hindou. D’ailleurs, l’est-il ? L’une des raisons de cette...