Publié dans le magazine Books n° 67, juillet - août 2015. Par John Lanchester.
Des aliments qui changent de température pendant qu’on les mange, une tasse de thé froide d’un côté et brûlante de l’autre, un morceau de savon mousseux qui se révèle un biscuit incrusté de bulles de miel… Une nouvelle génération de chefs-scientifiques réinventent la cuisine en explorant la chimie qui sous-tend tout art culinaire. Ils n’aident pas à faire le dîner, mais à comprendre pourquoi il vaut mieux battre les blancs en neige dans un récipient en cuivre.
En 2004, Nathan Myhrvold, qui avait quitté cinq ans plus tôt, à 40 ans, son travail de directeur des systèmes d’information de Microsoft, commença de collaborer au forum de discussion egullet.org, consacré à la technique culinaire « sous vide ». Il s’agit d’un procédé apparu dans les années 1970, mais qui est devenu ces dernières décennies l’une des méthodes préférées des cuisiniers d’avant-garde.
Dans la cuisine sous vide, ingrédients et assaisonnements sont préparés et placés dans un sac en plastique dont on retire ensuite l’air par aspiration. Les aliments sont alors cuits dans un bain-marie circulant à une température très précise – et c’est cette précision qu’affectionnent tant les chefs. Un steak sous vide, par exemple, n’est pas cuit « saignant » ou « à point », mais à 52 ou 55 °C respectivement. À ces basses températures, les temps de cuisson peuvent atteindre soixante-douze heures, et les résultats sont souvent extraordinaires. Comme l’écrit David Chang dans son manuel de cuisine
Momofuku (1), « si vous savez à quelle température vous voulez que votre plat soit préparé, cuisez-le tout simplement à cette température le temps...