Publié dans le magazine Books n° 34, juillet-août 2012. Par David Bell.
Waterloo n’a pas anéanti Napoléon, qui restera une idole tout au long du XIXe siècle et fait aujourd’hui encore l’objet d’une authentique fascination, en France comme ailleurs. En témoignent d’énormes succès de librairie et l’abondance des gadgets à l’effigie de l’Empereur. L’admiration suscitée par ce monarque absolu et sanguinaire tient en partie à l’héritage révolutionnaire qu’il a paradoxalement transmis.
La France, on l’a dit souvent, est une démocratie aux manières de monarchie absolue. Songez à la splendeur cérémonielle dont s’entourent ses présidents, au style hautain, distant, qu’ils ont tendance à adopter ou à la façon dont leur entourage politique reproduit, avec une délicieuse affectation, l’atmosphère d’intrigue et de favoritisme qui régnait à la cour de Versailles. Aucun chef d’État n’a, au cours des dernières décennies (monarques britanniques y compris), affiché un style plus royal que François Mitterrand, prétendument socialiste. Et rien n’est plus étranger à la démocratie française que le « populisme » à l’américaine pratiqué par des hommes comme Andrew Jackson, le septième président des États-Unis, ou George W. Bush. Le mot populiste est une insulte meurtrière, récemment utilisée par les chiraquiens comme par les socialistes contre quiconque osait interpréter le « non » à la Constitution européenne comme un vote de défiance à l’égard de l’élite du pays. Jean-Marie Le Pen est le seul véritable populiste dans la France contemporaine (1).
Ce trait singulier de la culture politique locale aide à comprendre pourquoi le pays...