Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Ian Hacking.
Notre attitude à l’égard des animaux doit-elle être dictée par les tripes ou par l’intelligence rationnelle ? L’écrivain sud-africain J. M. Coetzee a retourné la question en tous sens dans plusieurs de ses livres, offrant une vision complexe, hésitante, subtile. Tout autre est le point de vue du philosophe australien Peter Singer, pour qui les arguments fondés en raison doivent l’emporter. Deux conceptions, aussi stimulantes l’une que l’autre, s’entrechoquent.
La vie dans un élevage industriel est presque insupportable pour le bétail et la volaille, et le travail de transformation de la viande, répugnant pour les femmes et les hommes qui le font, en particulier dans les usines qui produisent du poulet en morceaux. Mais ne faites pas de sentiment ! N’allez pas vous imaginer que la vie de basse-cour est une partie de plaisir. Lisez donc le deuxième paragraphe de
Scènes de la vie d’un jeune garçon, du romancier sud-africain J. M. Coetzee, qui classe son livre dans la catégorie « Essais » : « Au bout du terrain, ils ont installé un enclos où ils ont mis trois poules qui sont censées leur fournir des œufs. Mais les poules ne prospèrent pas. L’eau de pluie ne peut s’infiltrer dans l’argile et forme des flaques. L’enclos se transforme en un bourbier nauséabond. Les poules se mettent à avoir de vilaines boursouflures sur les pattes, comme de la peau d’éléphant. Mal en point, hargneuses, elles cessent de pondre. Sa mère consulte sa sœur de Stellenbosch, qui lui dit qu’elles ne recommenceront à pondre que lorsqu’...