Publié dans le magazine Books n° 58, octobre 2014. Par Books.
L’accès à une alimentation carnée est un marqueur infaillible de l’élévation du niveau de vie. Aujourd’hui, la consommation globale de viande, tirée par la demande croissante des pays émergents, explose. Mais cette ruée mondiale sur les protéines animales a des répercussions inquiétantes, tant sur l’environnement que sur le bien-être des paysans et la santé publique. Des scandales sanitaires liés à l’élevage intensif aux méthodes prédatrices de Tyson (le géant américain du poulet), sans oublier le marketing agressif de McDonald’s, notre dossier révèle le coût véritable de l’agro-business.
Le besoin de viande des pays riches et plus encore désormais celui des pays émergents, la Chine en tête, exerce un énorme effet de prédation sur l’environnement planétaire. Pour nourrir bovins, cochons et volailles, il faut défricher des forêts tropicales, chasser de leur terre des agriculteurs traditionnels, puiser dans les réserves halieutiques, assécher les nappes phréatiques, asphyxier les eaux côtières, polluer les sols et administrer des tonnes d’antibiotiques qui favorisent le développement de bactéries pathogènes pour l’homme. Et puis, on l’oublie souvent, 10 % à 20 % des gaz à effet de serre sont dus à l’élevage, surtout bovin.
La solution préconisée par certains auteurs serait d’en appeler à l’esprit civique : mangez moins de viande ! Un calcul simple montre que s’en offrir un jour par semaine, pas plus, suffirait à changer la donne. Bref, sans pour autant devenir végétariens, passons au statut de « carnivores rationnels » ! Des campagnes de ce genre peuvent peut-être porter en partie leurs fruits dans les pays les plus riches, comme aux États-Unis, où la consommation a effectivement fléchi ces dernières années. Mais à l’échelle de la planète, c’est un vœu pieux. Sauf en Inde peut-être, manger de la viande restera longtemps un élément essentiel de la représentation que l’on se fait de l’accès à la société d’abondance et à un statut social élevé.
L’incitation à consommer de la chair animale est, en outre, stimulée par l’essor vertigineux des entreprises de
fast food. Les techniques de marketing du géant mondial McDonald’s sont explorées par un universitaire américain qui décortique ce qu’il appelle le « complexe consuméro-industriel », dont la force de frappe a supplanté à ses yeux celle du « complexe militaro-industriel » naguère dénoncé par Eisenhower. Comme l’auteur d’un autre livre consacré à la production de poulet aux États-Unis, il montre l’emprise de cette industrie sur tous les niveaux de la société, depuis la mère et l’enfant jusqu’à la Maison-Blanche, incapable de résister à la puissance du lobby.
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