Le « second empire » britannique

On l’a oublié, Volodymyr Zelensky avait été pris comme bien d’autres la main dans le sac : l’enquête internationale des Panama Papers avait révélé, peu avant son élection, que sa société de production avait acquis trois appartements de luxe à Londres grâce à de l’argent mis dans trois paradis fiscaux, dont les Îles Vierges britanniques. Une mince affaire, en réalité, au regard des sommes gigantesques que les multinationales mettent ainsi à l’abri du fisc. Le montant total des capitaux détenus offshore s’élèverait à deux fois et demie le PIB de la France. Or la moitié des paradis fiscaux sont des dépendances ou anciennes dépendances de l’empire britannique. L’île de Guernesey couve ainsi des milliards de dollars de la société pétrolière BP. Dans son livre, le juriste Kojo Koram, de l’université de Londres, décrit l’histoire de ce que son collègue économiste Ronen Palan appelle le « second empire » britannique. Elle est complexe, mais peut se résumer en quelques mots : l’empire lui-même ayant explosé sous la pression des nationalismes, les banquiers de la City en bâtirent un autre. Dans The New York Review of Books, l’historien canadien Quinn Slobodian feint de s’étonner : « L’aspect le plus remarquable de ces scandales est la vitesse avec laquelle ils disparaissent des gros titres des médias ». En dépit d’initiatives récentes, dont on ignore si elles aboutiront, « le “second empire” des paradis fiscaux se maintient, malgré le fait indéniable qu’il favorise la corruption, assèche les finances publiques et exacerbe les inégalités ».

LE LIVRE
LE LIVRE

Uncommon Wealth: Britain and the Aftermath of Empire de Kojo Koram, John Murray, 2022

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